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Page:Bulletin de la société des historiens du théâtre, année 2, n°5-6.djvu/27

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tané, avec ses quatre mansions alignées en demi-cercle entre le Paradis et la gueule d’Enfer, a retrouvé, à la salle Louis Liard, en Sorbonne, des spectateurs enthousiastes et émus. Nicolas Weisbein incarnait encore Théophile avec le naturel, la passion et le charme qui lui sont propres, mais nous avons dû le doubler, avec succès aussi, par Jean Priou, ce qui prouve que l’effet de la pièce ne tient pas au talent d’un interprète. D’autres rôles ont pu subir victorieusement la même épreuve. Le théâtre comique a pratiqué aussi, dès cette seconde moitié du xm" siècle, voire avant, les mêmes principes de la mise en scène simultanée. En l’absence de rideau, les spectateurs ont vu sans étonnement ni indignation nos machinistes et décorateurs en blouses lever et tendre, pour masquer les mansions théophiliennes, les toiles peintes de Raoul Roger-Ballet, brossées par Odette Darmon, et représentant, à gauche, les maisons du village, celles de Baudon, Huart et Perette à droite, un rocher et un arbre au fond, une prairie et une colline dominée par le Moulin-Roger. Ces décors seront reproduits dans l’édition de mon adaptation qui paraîtra prochainement chez Delagrave. Le Jeu de Robin et de Marion, auquel ils étaient destinés, est, comme chacun sait, une pastourelle dramatique (non pas une pastorale), qu’on a un peu ambitieusement nommée notre premier opéra-comique. Ce qui est vrai, c’est qu’y alternent les parties chantées et récitées (’< Or se chante, or se fabloie e, disait l’auteur de la Chantefable d’Aucassin et Nicolete, au début du même X!H~ siècle), et que nous avons encore renforcé cet élément musical, selon l’avis de M* Rokseth et de J. Chailley, en séparant les scènes par des motets d’Adam, d’une adorable polyphonie vocale, et en accompagnant les danses et jeux des bergers par la vielle et les cornemuses.

Le problème de l’interprétation n’était pas moins délicat. On peut jouer le Robin et Marion en pastorale, comme Jacques Bertin le fit naguère à la Comédie-Française (cf. La Comédie f rançaise par Édouard Champion, 1934, p. 134), ou bien en souligner, comme l’ont fait, spontanément et d’accord avec moi, mes interprètes, le comique parfois un peu grossier et l’intention satirique.

Ainsi ont apparu des qualités que la seule lecture ne rend pas évidentes une verve et un entrain qui rappellent le Jeu de la Feuillée (encore que les deux pièces pèchent par le manque d’action) une satire fine et vive du roman et de l’amour courtois une psychologie assez nuancée du pastor gloriosus (Robin) et de la bergère un peu mijaurée, mais toujours fidèle à son berger.

Donner en spectacle de Noël, en 1283, à la Cour française de Naples,