Page:Bulletin de la société géologique de France - 1re série - 1 - 1830-1831.djvu/69

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des serpentines de ces contrées par la seule considération de la direction suivant laquelle les masses serpentineuses s’alignent entre elles ; et cette présomption devient pour moi très-forte lorsque je remarque sur les cartes de Raimond que depuis la Superga, près Turin, où les couches tertiaires sont redressées dans une direction voisine de celle des serpentines, jusqu’à la rivière du Ponent, la surface fortement accidentée du terrain tertiaire présente une série de grandes ondulations dirigées du S. S. O. au N. N. E., et c’est-à-dire dans un sens parallèle aux accidens de stratification qui, sur le littoral, caractérisent le voisinage immédiat des masses de serpentine, et auxquels participent les petits lambeaux tertiaires qui subsistent encore dans le voisinage. Cette direction générale des crêtes tertiaires de l’Astesan est d’autant plus remarquable qu’elle est exactement perpendiculaire à celle qu’ont tendu à produire les eaux qui sont descendues de la chaîne du Ponent pour couler vers le Pô.

La grande hauteur qu’atteignent les dépôts tertiaires sur le flanc N. O. des montagnes de la rivière du Ponent, tandis qu’ils manquent presque complètement sur le flanc opposé qui est baigné par les eaux du golfe de Gênes est aussi un fait très-remarquable. Si l’enfoncement demi-circulaire du golfe de Gènes avait existé à l’époque du dépôt des terrains tertiaires de l’Astesan, il en aurait été rempli et il présenterait aujourd’hui des plateaux tertiaires de niveau avec ceux de l’Astesan. Il devrait tout au moins offrir comme le golfe de Lyon, et comme la mer Adriatique une ceinture de dépôts tertiaires faiblement tourmentés et bien différens des très-petits lambeaux argilo-sableux qui remplissent quelques dépressions très-peu élevées au-dessus de la mer, à Gênes, à Sestridi-Ponente, à Arenzano, à Savone, à Finale, à Albenga. Cette répartition si différente, et cette inégalité de hauteur des dépôts tertiaires sur les deux flancs de la chaîne du Ponent me semble prouver à elle seule que depuis le dépôt de ces mêmes terrains le relief de ces contrées a subi d’énormes changemens.

On pourrait encore mentionner ici la circonstance que les eaux minérales d’Acqui, comme celle d’Aix en Provence, sortent du terrain tertiaire, ce qui semble indiquer qu’a Acqui, comme in Aix, le terrain tertiaire a été accidenté postérieurement à son dépôt.

D’après cet ensemble de considérations, il me semble difficile de ne pas admettre que le terrain tertiaire de l’Astesan existait au moment où le système des Alpes occidentales, dans lequel les serpentines jouent un rôle si important, a pris son relief actuel,