Page:Bulletin de la société géologique de France - 1re série - 3 - 1832-1833.djvu/205

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« En explorant le département de la Manche, dit M. de Caumont, je fus frappé des changemens qui s’opèrent dans la structure de certaines roches, lorsqu’on les observe sur une surface un peu étendue. Dans certaines contrées, par exemple, les schistes dont la structure parait d’abord si différente de celle des granites, offrent des exemples frappans de passages insensibles à des roches granitoïdes. Dans l’arrondissement de Cherbourg, les schistes deviennent souvent verdâtres ; le feldspath, en parties très fines disséminées dans la pâte amorphe, se développe et se sépare des feuillets du schiste ; en même temps le quartz devient visible, la masse parait grenue, à grains très longs ; c’est, suivant les lieux, une espèce de gneiss, ou phyllade talqueux, ou bien le stéaschiste noduleux de M. Brongniart. Enfin les grains, allongés et couchés entre les feuillets, perdent leur direction commune, les cristaux se groupant, et la roche devient un granit ou une syénite. Il résulte de ces changemens : 1° des roches intermédiaires entre le schiste et le granite ; 2° des roches qui tiennent plus du granite que du schiste ; 3° des roches qui tiennent plus du schiste que du granite.

« J’ai peiné que le mouvement progressif d’une espèce de roche vers une autre, ou, si l’on veut, l’étendue des oscillations des roches les unes vers les autres, devrait être exprimée sur les cartes géologiques, et j’ai essayé de le faire sur ma carte du département de la Manche. Pour cela, j’ai employé un système de notation extrêmement simple. Lorsqu’une roche tend à se rapprocher d’une autre roche, j’ai semé la couleur qui la représente avec des points de la couleur consacrée à la roche dont elle tend à se rapprocher ; ainsi, lorsqu’un granite passe au gneiss et au micaschiste, je ponctue la couleur du granite avec celle que j’ai assignée à ces deux roches. Le schiste passe-t-il au stéaschiste et à la syénite, la couleur du granite est appliquée en semé sur celle du schiste.

« J’ai étendu cette théorie à beaucoup d’autres formations, et j’en ai tiré un grand avantage. Au moyen de la méthode que j’ai adoptée, j’indique les variétés de roches, mais sans faire oublier le type de la formation à laquelle elles appartiennent ; les unités géologiques demeurent présentes à l’esprit, puisque la couleur consacrée à une espèce forme toujours le fond de la teinte qui exprime les variétés, et que celles-ci ne sont indiquées que par une nuance accessoire qui ne forme que des points semés sur la couleur principale. »