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Page:Bulletin du Comité de l'Asie française, numéro 166, juillet-septembre 1916.pdf/8

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112 L'ASIE FRANÇAISE

ont été pris 49 officiers et près de 4.000 soldats; les morts ennemis constatés ont été au nombre de près de 1.300 et sont estimés au total à 4.000, ce qui fait que l'ennemi aurait perdu la moitié de ses effectifs. Un canon Krupp de 75 centi- mètres a été pris, plus une batterie de montagne, 2.300 fusils, 4.000 obus et un 1.000.000 de car- touches de fusils et de pistolets. En outre, 9 mi- trailleuses allemandes sont restées entre les mains des Anglais. C'est une véritable déroute pour les forces ottomanes, qui, outre les armes, ont laissé aux vainqueurs beaucoup de matériel et un troupeau de 500 chameaux. Si l'état major turco-allemand s'était imaginé inquiéter par cette attaque les Anglais, dans une saison où ils avaient sans doute diminué leurs effectifs sur le canal de Suez, ils ont reçu une leçon qui les dégoûtera de tenter la fortune des armes sur cette frontière, à moins d'avoir beau- coup plus de moyens qu'ils n'en ont employé dans cette circonstance. Depuis ce moment, à plusieurs reprises, les Anglais ont fait attaquer par leurs hydroplanes les stations militaires turques dans le Nord du Sinaï et en Palestine ainsi que les chemins de fer de cette dernière région. Le 26 août un hydro- plane allait même jusqu'à Homs où il jetait des bombes sur la station.

Il n'est pas probable que les Turcs reprennent l'idée d'une attaque contre le canal de Suez et l'Egypte tant que celles de leurs forces qui ne sont pas strictement nécessaires pour arrêter, ou tout au moins beaucoup ralentir les Russes en Arménie, seront appelées par l'état-major alle- mand sur les fronts roumain et russe. Les An- glais pourront d'ailleurs parer le coup car, dans cette région, les Alliés, maîtres de la Méditerranée malgré la gêne que leur causent les sous-marins austro-allemands, disposent en réalité des lignes intérieures. Ils pourraient transporter plus vite des troupes de Salonique en Egypte, et vice versa, que les Turcs ne sauraient le faire en usant du réseau ferré insuffisant, et encore interrompu par le Taurus et l'Amanus, qu'ils ont à leur disposition. De même, il ne semble pas que les Allemands soient disposés à faire porter un effort turc sé- rieux sur les Anglais qui occupent la plaine du Tigre jusqu'aux abords de Kout-el-Amara. Il faut d'ailleurs reconnaître que, si la question des trans- ports est difficile pour les Anglais en Mésopo- tamie, elle n'est pas beaucoup plus aisée à ré- soudre pour les Turcs. Leurs directeurs alle- mands, pour envoyer le matériel de guerre au delà du chemin de fer de Bagdad, en utilisant le cours de l'Euphrate et celui du Tigre, ont été obligés d'employer, en les améliorant, les moyens de transport qui étaient en usage dès le temps des anciens Assyriens.

C'est ce qu'expliquait la Gazette de Francfort, dans un article à la louange de l'oeuvre accomplie par les petits détachements de marins allemands envoyés en Mésopotamie, et dont nous croyons intéressant de reproduire le passage suivant: « Seuls les barques et les radeaux les plus pri- mitifs faits de peaux de chèvre gonflées, dont on se servait déjà du temps d'Abraham, pouvaient être utilisés comme moyen de transport sur l'Eu- phrate et sur la plus grande partie du Tigre. La persévérance allemande jointe à l'utilisation des moyens techniques modernes accomplirent en peu de temps une telle amélioration dans la na- vigation de l'Euphrate que, non seulement on put débarquer sans démontage les plus lourds chargements qu'exigeait l'armée en Mésopotamie, mais encore la durée du voyage put être réduite à la moitié du temps habituel.

« C'est ainsi, par exemple, qu'une batterie avec toutes ses pièces et munitions partant de Djera- boulos atteignit Ketvanijé (le port de Bagdad sur l'Euphrate) en onze jours à peine. De même, les appareils Fokker, qui accomplirent de si beaux exploits devant Kout, purent être transportés en très peu de temps sur le fleuve et rendre des services immédiats grâce au fait de n'avoir pas dû être démontés.

« Néanmoins, la navigation fluviale reste forcé- ment tributaire de la valeur de l'exploitation ferroviaire. Un chantier naval allemand qui fut construit là où le chemin de fer de Bagdad tra- verse l'Euphrate vers Djéraboulos a pu construire des plates-formes pour moteurs et on a tellement amélioré le type des chalands et radeaux qu'ils arrivent à transporter des charges huit fois supé- rieures. Tous les nouveaux moyens de transports sus-mentionnés sont combinés efficacement avec les vieux systèmes d'autrefois. Pour assurer la sécurité des bateaux, on a procédé à des sondages de la partie navigable de l'Euphrate; des entre- pôts de combustible, des ateliers de réparation existent sur la rive pour parer aux dangers innombrables qui menaçaient jusqu'ici la navi- gation sur l'Euphrate.

<< Aux deux détachements allemands de l'Eu- phrate et du Tigre qui avaient reçu dans l'Irak une leçon si profitable, il incomba finalement une troisième tâche. Grâce à eux, le service des étapes fluviales sur le haut Tigre et sur le Bitlis devint, suivant le vœu d'Enver pacha, l'aide la plus puissante offerte par la marine allemande, nous permettant de mettre parfaitement en valeur les moyens si primitifs de ce pays barbare. » Il est clair qu'à la hauteur de Kout-el-Amara les Anglais ont tout avantage en ce qui concerne les moyens de communication sur un ennemi qui est obligé de recourir à de tels moyens. En outre, comme nous l'avons dit plus haut, les Turcs ne semblent pas disposés en ce moment à employer en Asie les forces qui n'y sont pas strictement indispensables et c'est plutôt des Anglais que pourrait revenir un regain de l'acti- vité militaire dans la région du Tigre et de l'Eu- plus favorable. Si nos alliés britanniques ont pu phrate, maintenant que la saison est devenue surmonter la difficulté que la question des cadres opposait au recrutement des nouvelles troupes indiennes et surtout s'ils ont augmenté leur