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LA CORÉE

PAR M. A.-A. FAUVEL
ANCIEN OFFICIER DES DOUANES CHINOISES
PUBLIÉE PAR LE COMITÉ DE L'ASIE FRANÇAISE
OCTOBRE 1904

I

HISTOIRE ANCIENNE

L'histoire politique du royaume de Corée, devenu depuis l'Empire indépendant de Tjyo-syen, puis de Tai-han, dernier titre officiel, se perd dans la nuit des temps mythologiques, tout comme celui des empires voisins de la Chine et du Japon. On peut dire qu'elle est inconnue avant le premier siècle de l'ère chrétienne, et le nom même du pays ne fut révélé au monde européen qu'au xvi siècle. Ceux qui désirent connaître les premières pages de l'histoire doivent se rapporter à trois sortes de documents, qui ne sont à la disposition que d'un fort petit nombre de savants, vu la langue dans laquelle ils sont écrits. Ce sont d'abord les classiques chinois : le Chi-ki, du commencement du 1er siècle avant J.-C.; le Tsien-han-chou, du er siècle après J.-C.; le livre des Montagnes et des Mers (Chan-hai-king), sans doute plus ancien. Viennent ensuite les docu- ments japonais: le Ko-zi-ki, le Nihon-gi et trois ou quatre autres livres d'annales, datant de 672 à 692 de notre ère. Puis enfin les ouvrages historiques coréens, dont le plus ancien, le Sam-kouk-sa- keui, fut présenté en 1145 au roi In-tjong. Les plus vieux commencent à l'époque des dieux et on ne peut leur accorder quelque crédit sérieux qu'à partir de la seconde moitié du ive siècle de l'ère chrétienne[1].

Le nom de Tjyo-syen (Sérénité du Matin) date du fondateur du premier royaume de la péninsule, un noble chinois de la dynastie des Shang (1766-1122 avant J.-C.) appelé Ki-tze ou vicomte de Ki, et en coréen Keui-tja, l'auteur du Chou-king, qui s'exila volontairement dans le pays au nord du fleuve Ya-lou en 1122 avant J.-C. Ses descendants gouvernèrent la contrée jusqu'au IVe siècle avant J.-C. et disparurent l'an 9 de notre ère. On ne sait rien de leur histoire.

Quant au fondateur de la race coréenne elle-même, il passe pour être un certain Ko, venu du royaume de Koryé, ou Korai[2], qui se trouvait

(1) La Corée jusqu'au IXe siècle, etc... Conférence faite au Musée Guimet le 21 février 1897, par MAURICE COURANT. TOUNG-PAO, vol. IX, n° 1.

(2) D'où nous avons fait Corée.

dans les montagnes du Tchang-pai-chan formant aujourd'hui la frontière nord de la Corée.

Au commencement de l'ère chrétienne, le pays de la péninsule coréenne était divisé en plusieurs Etats, à savoir : le Ko-kou-rye au nord, le Paik-tjyei au sud. Dans le sud-est, la race des Sin comprenait une trentaine de tribus, formées en deux confédérations principales, celle de Sin-han et celle de Pyen-han; et en six petits états alliés sous le nom de Ka-ya. Tous ces petits états du sud-est formèrent au commencement de l'ère chrétienne le royaume de Sin-ra, que nous firent connaître les voyageurs arabes. Cet état conquit en 660 et 668 les royaumes du nord: Ko-kou-rye et Paik-tjyei, et la péninsule constitua un royaume unique, qui jouit d'une grande prospérité jusqu'au ix siècle.

Pendant toute cette longue période, la Corée avait des rapports avec la Chine d'un côté et le Japon de l'autre. Il semble bien que les vers à soie furent importés dans ce dernier pays par les Coréens. On trouve en effet ces insectes décrits dans l'ancien livre japonais Ko-zi-ki comme de curieuses créatures qui prennent d'abord la forme de vers, puis celle de cocons et enfin celle d'oiseaux! On n'en voyait alors (au Japon) que chez un Coréen nommé Nurinomi; c'était à l'époque de l'empereur Nin-toku (310-399)[3]. Le Japon obtient, au IVe siècle, de faire reconnaître sa suzeraineté sur les états du sud. Il a soin de mettre sur leur trône des princes coréens élevés chez lui, et il occupe même quelques points fortifiés. Des ambassades furent échangées jusqu'à la fin du IX siècle et M. Maurice Courant nous donne les dates de quelques-unes des guerres entre le Japon et la Corée, ainsi que de quelques ambassades. En 200 eut lieu la fameuse expédition de l'impératrice japonaise Zin-gou en Corée.

Griffis nous apprend que le Thibétain Maranauda apporta le bouddhisme aux Coréens en 384[4]. En 541, le roi de Paik-tjyei fait venir de Chine le Che-king (livre des odes), le Nirvana sutra et des peintres. Une statue de Bouddha est fabriquée en 545. En 551, la musique, importée de Chine, se développe, grâce au génie du Coréen Ou-renk, qui invente un grand nombre d'airs nou-

(1) MAURICE COURANT, op. cit., p. 8. (2) Corea, The Hermit Nation, by W. E. GRIFFIS, late of the imperial university of Tokio. London, 1882.

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