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Page:Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine, volume 8.djvu/419

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mentis verborum. Je n’oserais pas être aussi affirmatif sur le poëme le plus important de Marbode, celui qui a le mieux conservé sa renommée, puisqu’il fut traduit en vers français dès le xiie siècle, et qu’il était encore classique dans les écoles de pharmacie à la fin du xvie siècle : je veux parler du Lapidaire. Ce n’est point là, je le crois, un manuel auquel on ait donné la forme du vers comme pure mnémotechnie ; c’est un poème écrit avec amour pour résumer et célébrer une science véritablement aimée, et c’est pour cela que ce poème descriptif est resté un des chefs-d’œuvre de la poésie didactique au moyen âge ; c’est une œuvre d’âge mûr, peut-être de première vieillesse. Du reste, le poëte ne le dit-il pas dans son prologue ?

Ce livre est réservé pour mes amis d’élite.
Ce que sait le vulgaire a perdu son mérite.
N’allons point profaner les mystères trahis !

Marbode aimait ces curiosités. Nous avons de lui un autre poëme écrit lorsqu’il avait atteint l’âge de soixante ans, dans lequel il combat les erreurs de l’astrologie, et qui montre jusqu’à quel point il avait étudié les grimoires cabalistiques.

Brunon, le vieil évêque d’Angers, lui-même fort instruit, élève des écoles de Chartres, où il avait eu pour maîtres et le vénérable Fulbert et l’hérésiarque Béranger, admirait avec une affection vraiment paternelle les succès de Marbode. Il ajouta à son titre d’écolâtre celui d’archidiacre, et l’éleva ainsi aux plus hautes dignités ecclésiastiques.

Marbode conserva sa double charge jusqu’à la mort de Brunon (1081). Mais après avoir perdu cet excellent homme, dont il a célébré, dans une épitaphe qui nous a été conservée, les rares vertus, et principalement la bonté et la mansuétude, il se démit de son titre d’écolâtre. On ignore le motif de cette