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Page:Bulletin historique et philologique, 1904.djvu/163

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de biens de l’abbaye Saint-Rémy de cette ville[1]. On fit mieux, puisqu’on imprima en caractères cursifs divers livres de lecture, notamment la Civilité, sous prétexte d’initier les enfants à déchiffrer les écritures les plus irrégulières.

Abécédaires. — Dans la plupart des petites écoles, les commençants recevaient d’abord un abécédaire ou syllabaire, dit aussi « croix de Dieu », à cause de la vignette qui en ornait la première page. En tête venait l’alphabet que l’on récitait de gauche à droite, puis de droite à gauche. Quand l’élève connaissait parfaitement ses lettres, et jamais plus tôt, on passait au ba be bi bo bu traditionnel, qu’on lisait également à rebours pour en mieux connaître les éléments. Et comme cet exercice fort peu intéressant durait plusieurs mois, certains élèves, exemple Gargantua, récitaient leur « charte » imperturbablement dans tous les sens. De là encore ce proverbe que Molière met dans la bouche de l’un de ses personnages : « C’est un homme qui sait la médecine à fond comme je sais ma croix de par Dieu »[2].

Outre l’alphabet en caractères romains, le premier syllabaire contenait les lettres italiques et gothiques, puis les articulations composées rangées dans l’ordre alphabétique : bla, ble, bli…… Venaient ensuite le Pater, l’Ave, le Credo et quelques autres prières en latin. Les syllabes en étaient toujours séparées les unes des autres pour simplifier l’épellation.

Quand l’enfant commençait à épeler, on lui donnait un second livre où se trouvaient les psaumes de la pénitence, les litanies, etc., et les nombres de 1 à 1000. Le troisième livre, imprimé en lettres « médiocres », contenait divers offices. Le dernier était un livre français, toujours un livre d’édification. La lecture des manuscrits couronnait ce programme ; le maître avait pour cela des parchemins de difficultés variables et graduées ; (L’Ecole paroissiale).

Les abécédaires protestants étaient en français. Dans le catalogue des livres censurés par la Sorbonne en 1544 figure l’ABC pour les enfans « contenant ce qui s’ensuyt : L’oraison dominicale…, monstrant la manière de soy confesser, pour laquelle spécialement a esté condamné ». Cet opuscule fut réimprimé en 1620 à Charen-

  1. Quantin, L’instruction primaire dans l’Yonne, p. 87.
  2. Monsieur de Pourceaugnac, acte Ier, scène vii.