Page:Bulletin historique et philologique, 1904.djvu/168

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au XIXe siècle ; le mode simultané fit son apparition au XVIIIe siècle dans les écoles fondées par l’abbé de La Salle et dans celles de quelques grandes villes.

L’heure de la leçon venue, à un signal donné, un enfant s’approchait du maître assis dans son estrade ; il tenait de la main gauche le syllabaire ouvert à la page de la veille, de la main droite « une petite touche d’un bout de plume » pour suivre lettre à lettre. Il épelait sa leçon, puis retournait s’asseoir et était remplacé par le suivant. Un des premiers élèves de la classe, dit « officier de lecture », venait alors près de lui, pour lui faire répéter à voix basse la même leçon et l’aider à déchiffrer la leçon suivante. Où les difficultés s’accumulaient, c’est quand on se heurtait aux sons composés pour lesquels les syllabaires habituels ne présentaient aucune préparation. Dans l’ancienne méthode, dit le chanoine Cherrier, « on jetait les enfants indistinctement dans la lecture de toutes sortes de syllabes et de mots, immédiatement après le petit ba be bi bo bu. » On s’attaquait donc directement au texte et on en épelait quelques mots ou quelques lignes par jour. Ainsi, l’étude de la lecture se résumait en quelques pages retournées en tous sens ; c’était comme une application inconsciente du paradoxe de Jacotot : tout est dans tout.

Épellation. — On ne pratiquait alors que l’ancienne appellation (bé, cé, dé…) en assemblant par syllabes et par mots, sur un rythme et une intonation invariables. On prononçait tous les e comme en latin ; exemple : erre o ro, esse é se, rose. L’emploi de l’y n’était pas adopté par tous les pédagogues ; le chanoine Cherrier, qui prétendait simplifier l’orthographe en supprimant les consonnes doubles, persistait à remplacer l’y par deux i. Le v ne fut distingué de l’u, et le j de l’i, qu’au XVIIIe siècle ; bien que certains auteurs attribuent cette utile innovation à Pierre Ramus, lecteur du roi, dans sa Grammaire latine imprimée en 1557, il convient, suivant l’abbé Girard, membre de l’Académie, qui écrivait vers 1750, d’en rapporter tout le mérite aux maîtres des petites écoles ; « si la disette des caractères avait fait supporter pendant quelque temps cette confusion (de l’u et du v, de l’i et du j), pensaient-ils, il n’était plus raisonnable ni possible de s’y livrer depuis que l’établissement des deux nouveaux caractères, accourus au secours de la prononciation, avait été si généreusement et si authentiquement approuvé »[1].

  1. Cherrier, Méthodes nouvelles, p. 15 et 17.