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un voyage

cela reste vague. Quoi qu’il en soit, ce flexible parc, si libre et si charmant, ne garde guère la marque du glorieux jardinier qui, avec du style, de l’ordre et de l’élégance, a mis aussi un ennui remarquable dans ses créations.

Dieu me garde de dénigrer le génie français, pourtant il faut avouer qu’en matière de jardins nous ne sommes pas des maîtres. Il faut bien l’admettre, quand on a vu les vieux jardins d’Angleterre, ensemble si respectueux de la nature, et si nettement marqués par le vouloir humain ; les jardins d’Espagne si bien adaptés aux bonheurs sans témoins et sans paroles ; les jardins d’Italie et leurs nobles décors, et les jardins d’Allemagne faits pour la rêverie, les promenades pensives, la paix mélancolique. Nous n’avons rien de tel, et lorsqu’on suit les molles allées de l’Aue, où la symétrie sans cesse est rompue, où il y a du mystère, de la liberté, une grâce souple, on est content que le beau parc, si vraiment il fut dessiné par Le Nôtre, ait perdu la mémoire de cette glorieuse aventure.

L’Aue m’a donné un appétit d’arbres, de plantes, de forêt. Je vais à Wilhemshöhe. Dans le château, comme dans tous les châteaux d’Allemagne, on montre une chambre de Napoléon. Seulement il ne s’agit pas du terrible homme qui couchait dans le lit des princes, une nuit entre deux victoires. C’est Napoléon III, qui passa là des jours, pénibles sans doute, après la défaite. J’ai le cœur serré. Je me hâte de sortir. Ce palais est affreux, triste, humide. L’empereur n’y vient pas cette saison « parce qu’il