Pénétrée par le regret pathétique qu’exhalent tous ces bibelots ternis, je reviens aux portraits. Ils disent régulièrement l’histoire totale de la noble figure : la jeunesse, la maturité, la grande vieillesse. Longuement, l’une après l’autre j’interroge les pauvres toiles. Sous l’air inspiré que la sottise des peintres inflige uniformément à toutes ces images, ne découvre-t-on pas autre chose, et dans toutes la même chose : le tourment ? À les bien regarder, ces portraits de l’Olympien révèlent une merveilleuse inquiétude. Les plus jeunes montrent déjà une expression tendue ; à mesure que la vie avance, la contraction intérieure devient plus évidente. Et à la fin, quel souci dans les rides du front ! Et ce modelé des joues qui paraît trembler, n’est-ce pas l’habituel tiraillement du doute anxieux qui l’amollit de la sorte ? Et ces yeux trop ouverts, leur regard béant n’a point de calme ; et ce pli de la lèvre, quelle amertume ! La sérénité illustre, l’orgueilleux détachement, l’égoïsme tant rebattu, que cachaient-ils ?
Pourquoi nous a-t-on imposé la légende d’un Gœthe impassible ? Ces portraits racontent toute une autre histoire, — et d’ailleurs lui-même ne l’a-t-il pas racontée ? l’histoire d’un homme assez frénétique, instable, agité aux profondeurs par ses passions, d’abord, ensuite par trop de pensée — par des nerfs troublés aussi.
Il parle, non avec le demi-sourire des malades guéris, mais avec un sérieux significatif, de ses fréquentes crises d’hypocondrie, et du goût désespéré