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les maisons sacrées

voulait que près de lui toujours restât ce souvenir des heures libres et lumineuses, de l’enivrant voyage où il laissa son amour…

Ces rideaux, dont le tulle fragile persiste à conter une douce histoire, ce panier informe et si pathétique, leur symbole me poursuit comme je reviens lentement par les allées du parc où Gœthe imprima son génie, son orgueil — et l’immense quantité de littérature dont, pour le bien et pour le mal, il était malgré tout encombré. — Je pense à ces deux êtres magnifiques avec douleur. Ils ont passé, et cela n’est pas triste, car ils avaient fortement vécu. Mais c’est triste infiniment qu’avant eux, si longtemps, leur amour soit mort d’une vilaine pauvre mort.

Je me suis attardée sous les arbres, la nuit est close, et maintenant je reviens devant la maison de Charlotte. Personne ne passe. Une molle chaleur pèse. Par instants, une bouffée d’air humide sort du parc, se gonfle, expire, laissant après soi d’immobiles et profonds parfums. La masse des feuillages étouffe les sons. Comme j’avance le long de la façade jaune, le bruit faible et continu d’une fontaine m’arrive. Et soudain, il semble que l’humidité odorante du soir allemand soit pénétrée, envahie par d’autres aromes moites plus puissants. Cette plainte de l’eau jaillissante apporte avec elle un soir d’Italie ! La langoureuse nuit romaine m’enveloppe, et la chanson de ses eaux