Page:Bulteau - Un voyage.pdf/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
169
les maisons sacrées

nous ne le savons. Nietzsche est mêlé à notre courage et à notre orgueil. Il leur a fourni une conscience et une voix nouvelles. Tous ceux au cœur desquels battent les volontés du réveil sont ses tributaires, bien qu’ils le renient parfois, bien que souvent ils ne l’aient pas lu. Mais, malgré eux, ils ont respiré ces livres, pareils à des « appels de hérauts qui invitent les plus braves à leur propre bravoure ».

Il a prêché la haute joie, héroïque et dépouillée, qui naît quand on a compris, — jusqu’au point où comprendre c’est vouloir, que : l’homme est une chose qui doit être surmontée. Il ordonne l’ardent amour de la vie et de ses risques et, à grands coups de fouet, vide le temple de notre âme de toutes ses lâchetés : de la croyance par moindre effort, ou par terreur ; de la pitié qui se substitue à l’action ; de la bonté qui est servitude. Mais quoique sa parole ait la dureté du diamant, il n’enseigne pas à être vraiment dur ni cruel : — « Mes amis, méfiez — vous de tous ceux dont l’instinct de punir est puissant ! » — Il enseigne la force dont le seul spectacle est secours. Et lui, du reste, ce contempteur de la pitié, il était pitoyable. Sa sœur raconte qu’il avait le cœur très doux et que parfois, le voyant venir en aide aux faibles, — à ces « superflus » dont il semble souhaiter la destruction, — elle le raillait d’appliquer si mal ses principes. Alors, il répondait en riant que la pitié est permise à quelques-uns.

Et il avait raison. La pitié du faible pour le faible c’est un échange de poisons. La pitié des forts ne