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la wartbourg

ravissait, une hardiesse extraordinaire quand il se vit soutenu et applaudi, avec un air d’autorité qui faisait trembler ses disciples, de sorte qu’ils n’osaient le contredire ni dans les grandes choses, ni dans les petites. » Et Bossuet ajoute encore : « L’orgueil suivait de près ses victoires. »

Les trois portraits marquent bien les étapes. L’œuvre de Luther n’est pas sortie un beau jour parfaite et toute armée de son cerveau. Pendant des années il a dans l’esprit des incertitudes. Sa doctrine s’élabore peu à peu et change. Quand il brûle la bulle du pape qui condamnait quarante et une de ses propositions, il devine mal quel incendie il allume. L’importance de son rôle ne lui apparaît pas d’abord : « Tu te trompes en m’attribuant tout ceci », écrit–il à Melanchton. Et ailleurs, avec une fierté où l’étonnement se mêle : « Je n’ai pas encore mis la main à la moindre pierre pour l’arracher, je n’ai fait mettre le feu à aucun monastère, et presque tous les monastères sont ravagés par ma plume et ma bouche. »

Aux premières minutes il sait peu ce qu’ensuite il doit vouloir et accomplir, car la volonté qui l’emporte n’est pas toute à lui.

Les amples mouvements que la race humaine fait pour sa délivrance, à la manière du malade qui se tourne dans son lit, ne sont jamais l’œuvre d’un seul, si grand soit-il. Les révolutions politiques ou morales jaillissent de besoins, de souffrances, d’intérêts matériels. La faim et l’amour de l’argent sont les moyens par où l’humanité réalise son perfection-