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un voyage

chapeaux, des casques, des pots à fleurs, des bonnets. Maints colliers de perles vraies ou fausses, et des aigrettes à n’en plus vouloir.

La fluette parisienne ne risque pas toujours sans dommage les formes cocasses de la mode actuelle. Adaptées aux bustes épais, aux lourdes hanches, aux pieds d’alpinistes, elles donnent à cette foule l’aspect d’un affreux carnaval. Les couleurs, particulièrement, sont cruelles, d’une violence répulsive, et assemblées d’irritante manière !

Tout cela souligne et met en valeur des figures étranges. Une misérable créature fixe mon attention. Elle est décolletée amplement, vêtue de rouge vif et de vert aigre, en jupe très courte ; sa taille est marquée exactement au-dessous d’une bosse énorme qui charge ses épaules, un chapeau empanaché coiffe sa grosse tête de naine. Couverte de pendeloques, de boucles, de chaînes esthétiques, elle marche contente d’elle, monstrueuse, révoltante, Elle vous met en colère ; elle vous fait pitié, elle donne envie de pleurer.

La pauvre affreuse naine a vaincu ma distraction ; je regarde mieux, et je m’aperçois que presque tous les passants sont laids, et beaucoup de cette laideur malsaine, à l’air coupable : la laideur particulière aux dégénérescences. Ces femmes trop parées, ces hommes en costumes « genre anglais », ne sont pas ridicules, mais, la plupart, tragiques ! Pauvres dos arrondis par la voussure pitoyable de la tuberculose ; épaules déjetées, colonnes vertébrales déviées, démarches de coxalgiques, guéris