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potsdam

l’est contient une parcelle de réalité, une énergie active. Voltaire, ce maître des formules, est avant tout un verbal. Quand il nie l’évidence, il a le sentiment que l’affaire va prendre une autre figure, devenir autre chose, car les mots ont le pouvoir de métamorphose. Et, alors, toute la vie lui apparaît un jeu dont, à son plaisir, il peut modifier la forme et l’intention. Il joue avec les plus graves sujets, avec l’image de sa propre mort, avec ses colères furieuses, ses haines. Il sent qu’il en dispose, qu’il lui suffirait d’y mettre des mots différents pour que cela devînt différent. Il joue ! Ses mauvaises actions gardent un caractère de farce, aucune n’a l’importance morale qu’ont les actes des hommes. Ses méchancetés ? Jeu encore ! Quand Frédéric taquine cruellement, il regarde sa victime et savoure la souffrance infligée. Voltaire regarde sa plaisanterie, c’est elle qui l’exalte et l’enivre.

Les petits bonhommes qui mettent le feu, parce que voir flamber des allumettes leur donne un vif plaisir, on ne saurait les juger aussi durement que les incendiaires réfléchis dont le but est de piller la maison.

Il faut l’avouer, Voltaire a fait flamber plus d’une allumette dans ce philosophique château de Sans-Souci. Mais on ne l’y rendit pas heureux.

Ses premières lettres racontent en termes dithyrambiques les fêtes données à la margrave de Bay-