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un voyage

raconté les horreurs du sac qu’ordonna son terrible ancêtre ? Lui, maître de la ville, empêche meurtres et vols. Jamais place ne fut occupée si doucement. On dirait qu’il veut effacer les hideux souvenirs, ne laisser que de la gloire.

Plus tard, c’est une similitude comique. De même que l’Académie de Stockholm avait offert un fauteuil au maréchal de Kœnigsmark, l’Académie française en offre un au maréchal de Saxe — à titre de « guerroyeur » aussi, probablement. — Mais Maurice, soit qu’il eût trop, ou trop peu d’admiration pour l’Académie, refusa, et on connaît le billet où il formule ses raisons avec une merveilleuse brièveté : « Sela m’iret comme une bage à un chas. »

Louis XV lui a donné le château de Chambord. La guerre finie, il s’y installe et mène une vie pompeuse entouré des drapeaux, des canons pris à l’ennemi. Son régiment de uhlans fait l’exercice et défile devant lui. Les sonneries de trompettes, le choc des armes, mettent dans l’air tranquille un bruit de camp. Parfois, sur son ordre, on pend aux branches d’un arbre quelque soldat indiscipliné. Pour lui, il écoute la comédie, donne des audiences, soupe assis sur un fauteuil qui a des airs de trône, reçoit des visites illustres qui ont un air de cour. Comme un roi, il admet le peuple à le voir manger. Comme un roi, il a des sentinelles aux portes de sa chambre. Quand il paraît, les tambours battent. Autour de son inaction, Maurice de Saxe plante un décor où ses rêves dansent leur ballet.

Il n’est pas seul dans ce Chambord. Parfois, aux