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un voyage

soixante-trois ans, n’importe : sans amour, elle sera la plus heureuse des femmes. Mais si, elle a un amour : son fils. Il s’appelle Maurice, comme elle s’appelle Aurore ; mais qu’ils sont différents de l’autre Maurice et de l’autre Aurore ! Le petit Dupin est un enfant de vieillard, languissant et gâté. Quand il laisse tomber un objet, il sonne un domestique pour le lui ramasser. Ce n’est pas lui qui, comme Auguste le Fort, tordrait un fer à cheval ! Il a de la grâce, les mains et les pieds si petits que quand plus tard il se costumera en femme pour un bal masqué, nul ne le reconnaîtra pour un homme.

Cependant, la Révolution vient secouer l’enfant débile. Sa mère est emprisonnée, leur amour s’exaspère dans le danger. Ils se retrouvent, et malgré la ruine, les misères subies, c’est le bonheur. Peu de fils ont aimé leur mère d’une tendresse plus vive que ce doux garçon rêveur, artiste et d’une âme si émue.

Et puis Maurice veut rejoindre les armées. Ce sera un excellent soldat, parfaitement brave. « Jamais il ne se sentait si à l’aise, si calme, si doucement remué intérieurement que dans une charge de cavalerie[1]. » Malgré tout, la guerre n’est pas sa vie, son amour, l’air de ses poumons. Fait prisonnier au passage du Mincio, il s’en va loin, loin ! « Après être resté deux mois dans leurs mains, dit-il, marchant toujours par les déserts de

  1. George Sand : Histoire de ma vie.