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un voyage

ment sortir. Malgré les bonnes façons des Bolonais, le tendre amour de la jolie dame, les gentillesses du petit garçon, le roi Enzio s’ennuyait. Il s’ennuya tant qu’il mourut après avoir composé des vers pour dire au monde quelles mélancolies sont celles d’un prince captif.

Le goût de la liberté est si fort que les endroits où nombre de gens furent tués inspirent moins de tristesse que la vue d’une muraille derrière laquelle, on le sait, un homme a usé sa vie sans espoir de jamais plus fouler les routes de la terre. Pauvre roi Enzio !

Je monte les marches de San Petronio, je regarde parmi les belles sculptures du porche, la place où un temps se voyait la statue de ce pape combatif et d’humeur irascible : Jules II, Michel-Ange l’avait représenté tenant l’épée de la main droite, et de la gauche faisant un geste qui marquait la colère. Car le pape n’était point content des Bolonais, et souhaitait qu’en venant à l’église ils se rappelassent son irritation. Mais eux, les Bolonais n’étaient guère plus satisfaits du pape et ils jetèrent bas sa statue, un certain jour que les Français et Bentivoglio entrèrent dans la ville où, pour un temps ils furent maîtres. Le duc de Ferrare, qui était aussi de l’aventure, transforma le pape de bronze en canon, et comme il aimait à plaisanter, le baptisa : Jules. Ainsi va le monde.