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un voyage

comprennent plus. Elle est partout, l’eau mortelle. Et la nuit, on sent sa fraîcheur de couteau fendre la tiède mollesse de l’atmosphère.

Dans cette ville, la civilisation romaine et le génie barbare se sont affrontés puis conjoints. Son port fut plein de navires ; de batailles sa campagne ; de meurtres illustres, de fêtes énormes, d’orgies et de conciles, ses palais. Des artistes y vinrent de bien loin, pour créer des monuments d’une beauté étrange. Ravenne a régné sur la peur et l’espoir des hommes. Des touristes, peu nombreux, circulent un guide à la main parmi ces mémoires. Ils regardent vite, ne s’attardent pas. Et leur agitation de fourmis indiscrètes rend plus angoissante l’immobilité où se tient Ravenne la morte.

Du passé, que tant d’images encombrent, une figure surgit et domine les autres : Théodoric.

Sur les murs de S. Apollinare Nuovo, derrière une file de personnages qui processionnent vers l’autel, le mosaïste a représenté son palais. D’abord ce palais, si petit à côté des saints si longs, rappelle les maisonnettes que les enfants trouvent dans leurs boîtes de constructions. Puis, à mesure qu’on le regarde, il semble grandir, et bientôt il abolit tout ce qui l’entoure : on ne voit plus que lui. En bas, c’est un portique où pendent des rideaux tissés d’or et relevés pour permettre le passage. Sur les arcades, un seul étage très bas et entièrement