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un voyage

Il a écrit Manfred — un fragment d’autobiographie, personne n’en doutait, — et Manfred est en rapports suivis avec les « puissances des ténèbres ». Mais Faust ne lui cède en rien là-dessus, et pourtant Faust n’a pas compromis la réputation de Gœthe. Dans le passé de Manfred, on entrevoit une histoire mystérieuse, et horrible probablement. Comme nul ne la sait, il faut bien qu’on l’invente. Gœthe lui même recueille une version. Cette Astarté, dont la figure invisible règne sur le drame, c’était une Florentine assassinée par un mari, jaloux de Byron. Quel rôle Byron a-t-il joué dans tout cela ?… Quand on lui parle de cette anecdote rapidement devenue indiscutable, il rit de tout son cœur. N’importe, on le tiendra pour mêlé de manière équivoque à une aventure de meurtre. À moins qu’on ne préfère croire qu’Astarté, c’est sa propre sœur, et qu’il l’a aimée d’un inavouable amour. Or, l’affection que sa vie durant il garde à cette sœur est le sentiment le plus limpide. Mille gens le savent. N’importe encore : il faut que Byron soit diabolique !

Chateaubriand nous prie de croire, si nous voulons, que sa sœur l’a trop chéri et montre à ce sujet un désespoir assez trouble. Byron ne parle de sa sœur que pour témoigner de la plus pure et grave tendresse : l’incestueux, ce sera Byron.

Lorsqu’il écrit Caïn on l’accuse d’une repoussante irréligion. Et l’Angleterre se révolte en masse. Mais elle n’a pas d’étonnement, puisque Byron, c’est le diable. Lui s’étonne, — et nous aussi. Il écrit à son ami Moor, qui, comme les autres, est révolté : « Je