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l’ombrie

faisait mille folies joyeuses. On l’aimait, puisqu’on a voulu conserver son image. Peut-être quand, très vieux, il s’endormit pour toujours, quelqu’un, dont le cœur s’attachait à ce qui passe, pleura un peu.

Pauvre chien, mort depuis si longtemps…

Tout près d’Umbertide, une haute maison, perchée sur une colline, me tente. L’automobile grimpe, et bientôt j’entre dans la grande cour d’un château-fort. Au milieu, il y a une statue de guerrier en armure. Ce guerrier fit des actions considérables sans doute. J’ignore lesquelles. Il est trapu, engoncé. On dirait qu’il éprouve quelque ennui d’être là, et qu’il se repent d’avoir avec un grand courage, tué beaucoup d’hommes. Solitaire et rongé par le temps, il n’est pas gai à voir, cet homme en armure.

Un jardin tout fleuri dévale du plateau. Le jardinier cultive ces fleurs pour s’amuser, j’imagine, car depuis longtemps les propriétaires n’habitent plus le château. Dans la cour intérieure, si fière, et d’ se voient encore le chemin de ronde et les défenses, les ouvriers agricoles épluchent du maïs. L’endroit majestueux fait pour la bataille est devenu une ferme. Comme ce guerrier de pierre qui le garde inutilement, il n’a plus de sens. Les derniers rayons du soleil frappent en vain sa masse lourde : ce grand château est mortellement triste.