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M. Merton prit un air sérieux, et soupira en lui donnant la main pour monter en voiture. Mais lorsqu’elle s’y trouva assise, qu’elle se tourna vers lui, et qu’elle lui envoya de la main un baiser, elle était si belle et si distinguée, qu’un sentiment d’orgueil paternel dissipa le chagrin que lui avait causé son peu de sensibilité. Il avait, lui aussi, renoncé à la visite de Knaresdean ; mais quelque temps après, Sophie s’étant endormie d’un paisible sommeil, il crut pouvoir sans inconvénient se hasarder à traverser au galop le pays, à gagner le champ de courses et à revenir dîner chez lui.

Les jours se passèrent ; une semaine entière s’écoula ; les courses étaient finies, mais Caroline n’était pas de retour. Cependant la fièvre de Sophie s’était calmée, elle put quitter son lit, sa chambre, elle put enfin descendre, et le bonheur rentra dans la famille. Il est étonnant combien la moindre indisposition chez ces petits êtres dérange tous les rouages de la vie domestique ! Éveline, par bonheur, n’avait pas pris la fièvre. Elle était pâle et un peu amaigrie par la fatigue et le défaut d’air et d’exercice ; mais elle en était amplement dédommagée par le doux regard humide et reconnaissant de la mère, par l’affectueux serrement de main du père, par le rétablissement de Sophie, et par la satisfaction de son propre cœur. Caroline avait écrit deux fois ; chaque fois c’était pour différer son retour. Lady Raby, disait-elle, était si aimable pour elle qu’il ne lui était pas possible de la quitter avant que sa société se fût dispersée ; elle était charmée d’avoir d’aussi bonnes nouvelles de Sophie.

Lord Vargrave n’était pas encore arrivé au presbytère pour y rester ; mais il y était venu deux fois à cheval, et il y avait passé quelques heures. Il fit tous ses efforts pour se rendre agréable à Éveline, qui, trompée par ses manières, et influencée par les souvenirs d’une longue et familière intimité, se reprocha plus que jamais la répugnance que lui inspiraient ses avances, et l’ingrate hésitation qu’elle éprouvait à accomplir les vœux de son beau-père.

Lumley fit aux Merton d’aimables éloges de Caroline. Elle était, disait-il, fort admirée ; c’était bien la plus jolie femme qui se trouvât à Knaresdean. Un certain jeune homme de ses amis, lord Doltimore, en était évidemment épris. Cette dernière phrase donna beaucoup à penser à M. et à Mme Merton.

Un matin mistress Hare, infatigable causeuse et la plus grande commère du Voisinage, vint faire visite au presbytère.