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Lady Vargrave répondit avec la simplicité bienveillante qui lui était habituelle ; mais il était évident qu’elle redoutait la visite d’une étrangère (elle n’avait jamais vu mistress Merton), et que surtout elle s’affligeait à la pensée de perdre mistress Leslie une semaine ou deux plus tôt qu’elle ne s’y était attendue. Cependant son amie se hâta de la rassurer. Mistress Merton était si douce, si accommodante ; la femme d’un pasteur de village avait des goûts fort simples ; et, puis la visite de mistress Leslie pourrait ne pas se trouver abrégée, si lady Vargrave voulait bien étendre son hospitalité à mistress Merton et à Caroline.

Quand on annonça cette nouvelle à Éveline, son jeune cœur n’éprouva que du plaisir et de la curiosité. Elle n’avait pas d’amie de son âge ; elle était convaincue que la petite-fille de sa chère mistress Leslie lui plairait.

Éveline, naturellement portée à s’occuper des autres avec une affectueuse sollicitude, avait de bonne heure appris à soulager sa mère des quelques soins domestiques qu’une maison comme la leur, si tranquille qu’elle fût, pouvait exiger. Elle s’occupa gaîment de mille petits préparatifs. Ne s’imaginant pas qu’on pût en trouver le parfum malsain, elle remplit de fleurs les appartements des visiteuses, étala sur les tables ses livres favoris, et fit transporter dans la chambre de Caroline le petit piano droit qui se trouvait dans la sienne : Caroline devait bien certainement aimer la musique. Elle eut quelques velléités d’y transférer aussi une cage renfermant deux serins, mais lorsqu’elle fut pour la prendre, les oiseaux se mirent à chanter si gaîment, ils paraissaient si contents de la voir, si convaincus qu’elle leur apportait du sucre, que son cœur lui reprocha l’ingratitude qu’elle méditait. Non, elle ne pouvait céder ses serins ; mais le bocal en verre, contenant des poissons dorés !… oh ! qu’il ferait bien sur son piédestal à côté de la fenêtre ; d’ailleurs les poissons, créatures peu intelligentes, ne la regretteraient pas !

Vint enfin la matinée, puis l’heure de midi, puis le moment probable de l’importante arrivée. Après avoir, trois fois en une demi-heure, arrangé, dérangé, puis rarrangé tout ce qui avait été précédemment rangé en perfection, Éveline se retira dans sa chambre pour consulter sa garde-robe et Marguerite, autrefois sa bonne, maintenant sa femme de chambre. Hélas ! la garde-robe de l’héritière de l’opulent Templeton, de la future lady Vargrave, fiancée à l’homme