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CHAPITRE VI

Deux charmantes jeunes filles égaient mon chemin solitaire.
(Lamb. — Vers d’album.)

Après le dîner il faisait encore assez jour pour que les jeunes personnes pussent faire une promenade dans le jardin. Mistress Merton, qui redoutait l’humidité, préféra rester à la maison. Elle était si tranquille, elle faisait si peu d’embarras, que, pour se servir de l’expression de mistress Leslie, elle ne gênait pas du tout lady Vargrave. D’ailleurs elle lui parlait d’Éveline, et c’était là un sujet de conversation très-agréable à son hôtesse, qui aimait tendrement Éveline, et en était très-fière.

« Ce site est vraiment fort joli ! Quelle charmante vue de la mer ! dit Caroline. Vous dessinez ?

— Oui, un peu.

— D’après nature ?

— Oh ! oui !

— Comment ? à l’encre de Chine ?

— Oui ; et à l’aquarelle

— Ah ! vraiment ! Mais qui donc a pu vous enseigner tout cela dans ce petit village, je dirai même dans ce comté primitif ?

— Nous ne sommes venues habiter Brook Green que lors que j’avais près de quinze ans. Ma chère mère, quoiqu’elle désirât beaucoup quitter notre villa de Fulham, ne voulut pas s’y résoudre à cause de moi, tant que j’eus besoin de professeurs ; et, comme je savais qu’elle avait envie de venir ici, je travaillai avec deux fois plus d’ardeur.

— Alors elle connaissait déjà ce pays ?

— Oui ; elle y était venue il y a bien des années, et, à la mort de mon pauvre père (j’appelle toujours feu lord Vargrave mon père), elle a acheté cette propriété. Elle s’y rendait régulièrement une fois l’an, sans moi ; et lorsqu’elle en revenait, je la trouvais encore plus triste qu’auparavant.