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— Non ; on avait à peine remarqué sa figure, si ce n’est qu’elle avait le teint trop blanc pour une bohémienne. Cependant, maintenant que vous m’y faites penser, mistress Tiddy qui était avec son père lorsqu’il me raconta cette aventure, me signala particulièrement qu’elle avait (comme vous le disiez en plaisantant), des cheveux blonds et des yeux bleus. Mistress Tiddy venait de se marier, et elle était romanesque à cette époque.

— Eh bien, c’est une drôle d’histoire. Mais la vie est remplie de drôles d’histoires. Nous voici arrivés. Ce vieux château est vraiment une merveille. »


CHAPITRE V

Pendent opera interrupta.
(Virgile.)

Lorsqu’il se retira le soir, Vargrave médita longtemps l’histoire qu’on lui avait racontée. Il ne pouvait s’empêcher de convenir qu’il y avait lieu seulement de conjecturer qu’Alice Darvil et Alice lady Vargrave étaient une seule et même personne. Mais il pouvait lui être d’une grande utilité de changer cette conjecture en certitude. La connaissance d’un mystère de honte et d’abjection dans la vie d’une femme aussi pure, aussi immaculée que lady Vargrave, pouvait lui être d’un grand secours, en lui donnant sur elle un pouvoir dont il saurait tirer parti auprès d’Éveline. Quel était le meilleur moyen d’en apprendre davantage ? Devait-il se rendre immédiatement à Brook Green, ou bien (cette pensée le frappa soudain) serait-il préférable de voir et de sonder mistress Leslie, la protectrice de mistress Butler à C***, l’amie de lady Vargrave ? Ce dernier parti valait la peine d’être tenté ; c’était d’ailleurs presque sur son chemin pour retourner à Londres. La manière dont il avait réussi à tirer le secret de M. Onslow, l’encourageait à espérer le même succès auprès de mistress Leslie. Il se décida donc pour ce parti, et s’endormit pour rêver de battues de Noël, de visiteurs royaux, de ministère, de portefeuille. C’est bien ; rêvez, mylord : il n’est pas de possession qui vaille les rêves !