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oui, du perfide Butler !… Cette fille est Éveline Cameron !

— Menteur !… serpent ! s’écria Maltravers en se dressant soudain comme si une balle l’eût frappé au cœur. Des preuves !… des preuves !

— Celles-ci vous suffiront-elles ? » dit Vargrave en lui présentant les lettres de Winsley et de lady Vargrave. Maltravers les prit, mais quelques moments s’écoulèrent avant qu’il osât lire. Il se retenait avec effort aux meubles pour ne pas tomber ; il y avait dans son gosier un bruit étouffé semblable au râle d’un mourant. Il lut enfin ; puis les lettres lui échappèrent des mains.

« Attendez-moi, dit-il d’une voix étouffée, et il s’achemina machinalement vers la porte.

— Arrêtez ! dit lord Vargrave en posant la main sur le bras d’Ernest. Écoutez-moi pour l’amour d’Éveline, pour l’amour de sa mère. Vous êtes sur le point d’aller trouver Éveline : soit ! je sais que vous possédez ce don divin, l’empire sur vous-même. Vous ne lui laisserez pas connaître que sa mère a fait quelque chose qui déshonore également la mère et l’enfant ! Vous ne mettrez pas le comble à vos torts envers Alice Darvil en lui dérobant le fruit d’une vie d’expiation et de remords ! Vous ne dévoilerez pas sa honte à sa propre fille ! Prenez le temps de vous convaincre et de vous maîtriser !

— Ne craignez rien, dit Maltravers avec un sourire effrayant ; je ne chargerai pas ma conscience d’un double forfait. Selon que j’ai semé, il faut que je récolte. Attendez-moi ici ! »


CHAPITRE III

Angoisse, qui augmente de force à chaque moment, et qui finira par m’engloutir.
(Lillo. — La curiosité funeste.)

Maltravers trouva Éveline seule. Elle se tourna vers lui, et le salua comme d’habitude par un aimable sourire ; mais ce sourire s’évanouit aussitôt qu’elle aperçut la physiono-