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à Londres, Austin ; et, quoique la ville soit déserte, il s’y trouve encore quelques personnes de marque à qui j’aimerais à vous présenter, vous et les vôtres.

— Non, dit mon père, votre monde et le mien ne sont pas le même. Il me faut des livres, et à vous des hommes. Ni Kitty ni moi nous ne pouvons changer nos habitudes, même pour l’amitié. Elle a un long ouvrage à finir, et moi aussi. Les montagnes ne peuvent marcher, surtout quand elles sont en travail ; mais Mahomet peut venir à la montagne aussi souvent qu’il voudra. »

M. Trévanion insista et sir Sedley Beaudésert annonça doucement les mêmes prétentions. Tous deux disaient connaître des hommes de lettres que mon père aurait plaisir à rencontrer. Mon père doutait qu’il pût rencontrer des hommes de lettres plus éloquents que Cicéron ou plus amusants qu’Aristophane ; il ajouta que, si ces hommes existaient, il aimerait mieux les rencontrer dans leurs livres que dans leurs salons. Enfin il fut inébranlable, et le capitaine Roland aussi, mais sans tant d’arguments.

M. Trévanion se tourna alors vers moi.

« Votre fils, du moins, devrait un peu voir le monde. »

Les doux yeux de ma mère brillèrent d’un plus vif éclat.

« Mon cher ami, je vous remercie, dit mon père d’une voix émue ; nous parlerons de cela, Pisistrate et moi. »

Nos hôtes étaient partis. Nous nous réunîmes tous les quatre près de la fenêtre ouverte, et jouîmes en silence de l’air frais et du clair de lune.

« Austin, dit enfin ma mère, je crains que ce ne soit à cause de moi que vous refusez d’aller chez vos vieux amis ; vous saviez que tout ce beau monde m’effrayerait et que…

— Nous avons été heureux plus de dix ans sans eux, Kitty ! Mes pauvres amis ne sont pas heureux, tandis que nous le sommes. Savoir être heureux en famille est une science d’or qui vaut tous les conseils de Pythagore. Les dames de Bubastis (ville d’Égypte où l’on adorait les chats, ma chère amie) ne fréquentaient jamais les messieurs d’Athribis, qui adoraient les musaraignes. Les chats sont des animaux domestiques ; ces musaraignes ne sont que de pitoyables vagabonds. Vous ne pouvez trouver de meilleur exemple, ma Kitty, que celui des dames de Bubastis !