Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il n’y avait dans cet appartement aucune affectation d’opulence, rien de ce que les tapissiers appellent recherche, mais une merveilleuse accumulation de ce qui fait le comfort. Là, trouvait sa place tout fauteuil breveté qui offrait une nouvelle façon de s’étendre dans une molle oisiveté ; et près de chaque fauteuil il y avait une petite table sur laquelle vous pouviez déposer votre livre ou votre tasse de café, sans avoir l’ennui de remuer autre chose que la main. Rien de plus chaud, en hiver, que ces tapis d’Axminster et ces rideaux doublés et piqués ; en été, rien de plus frais et de plus léger que ces draperies de mousseline et ces nattes de l’Inde. Je défie qui que ce soit de savoir jusqu’à quel point peut être poussée la perfection d’un dîner, s’il n’a dîné chez sir Sedley Beaudésert. Certainement, si ce personnage distingué n’avait été qu’un égoïste, il eût été le plus heureux des hommes. Mais, malheureusement pour lui, il était plein d’affection et de bienveillance. Il avait la bonne digestion sans avoir le mauvais cœur, cette seconde condition du bonheur matériel. Il éprouvait une compassion sincère pour tous ceux qui demeuraient dans des appartements privés de fauteuils brevetés et de petites tables à café, dans des appartements dont les fenêtres ne s’ouvraient pas sur le parc et n’avaient pas de sofas nichés dans leurs embrasures. De même que Henri IV souhaitait à chacun la poule au pot, de même sir Sedley Beaudésert aurait voulu, s’il avait été le maître, qu’on servît à chacun un cornichon avec le poisson, et une carafe d’eau glacée avec le pain et le fromage. Il montrait ainsi en politique une simplicité naïve qui contrastait délicieusement avec sa finesse en matière de goût. Je me rappelle lui avoir entendu dire dans une discussion à propos de la loi sur la bière : « On ne devrait pas permettre aux pauvres de boire de la bière, elle engendre tant de rhumatismes ! La meilleure boisson, lorsqu’on fatigue beaucoup, c’est du champagne sec, pas du mousseux. J’ai fait cette découverte en chassant dans les marais. »

Malgré son indolence, sir Sedley avait réussi à creuser une quantité extraordinaire de fossés d’écoulement à sa fortune.

D’abord comme propriétaire terrien, il avait toujours à écouter les sollicitations de fermiers malheureux, de vieillards dans la détresse, de sociétés de bienfaisance, et de braconniers