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« Il est toujours bon, mon enfant, de savoir ce que vaut une chose au cas où l’on voudrait la vendre. Si mon petit ami se lassait de son joujou, que lui en donneriez-vous ?

— Ah ! monsieur, répondit le marchand, nous ne pourrions guère lui en donner plus de dix-huit schellings, à moins que le petit monsieur ne voulût prendre en échange quelques-uns de ces jolis objets.

— Dix-huit schellings ! dit mon père ; vous lui donneriez cela ? Eh bien ! mon enfant, quand vous serez las de votre boîte, je vous permets de la vendre. »

Mon père paya sa note et sortit. Pour moi, je restai un peu plus longtemps et le rejoignis ensuite au bout de la rue.

« Papa ! papa ! m’écriai-je en frappant des mains, nous pouvons acheter le géranium… nous pouvons acheter le pot de Delft ! »

Et je sortis de ma poche une poignée d’argent.

« N’avais-je pas raison ? dit mon père en passant son mouchoir sur ses yeux. Vous avez trouvé les deux fées ! »

Oh ! que je fus fier et content lorsque, après avoir posé sur la fenêtre la fleur avec son pot, je tirai ma mère par la robe et la fis me suivre jusque-là !

« C’est lui qui a acheté cela avec son argent, dit mon père ; la bonne action a réparé la mauvaise.

— Comment ! s’écria ma mère lorsqu’elle eut tout appris. Et votre pauvre boîte de dominos que vous aimiez tant ! Nous irons la racheter demain, dût-elle coûter le double.

— La rachèterons-nous, Pisistrate ? demanda mon père.

— Oh non ! non, non. Cela gâterait tout ! m’écriai-je en cachant mon visage dans son sein

— Ma femme, dit mon père d’une voix solennelle, voilà la première leçon que je donne à notre enfant ; il peut apprécier maintenant la sainteté et la félicité du sacrifice de soi-même. Ne détruisez pas les effets que cette leçon est capable de produire jusqu’au jour de sa mort ! »

Et voilà l’histoire du pot de fleurs cassé.