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n’est pas besoin de le demander ! s’écria Roland. Fatalité ! fatalité ! cette famille nous est fatale. Morbleu ! Austin, c’est votre faute aussi. Pourquoi l’avez-vous laissé aller dans cette maison ?

— Mon fils est un homme à présent, un homme par le cœur, sinon par les années. L’homme peut-il échapper aux dangers et aux épreuves ? N’en ai-je pas été assailli dans le vieux presbytère, mon frère ? » dit mon père avec douceur.

Mon oncle fit trois fois en boitant le tour de la chambre, puis s’arrêta court, se croisa les bras et dit avec décision :

« Si la jeune fille vous aime, votre devoir n’en est que plus évident ; vous ne pouvez en tirer avantage. Vous avez bien fait de quitter la maison, car la tentation aurait pu devenir trop forte.

— Mais quelle excuse donner à M. Trévanion ? demandai-je d’une voix éteinte ; quelle histoire inventer ? Autant il est insouciant lorsqu’il a confiance, autant il devient pénétrant une fois qu’il a des soupçons ; il verra à travers tous mes subterfuges, et… et…

— Il n’y a rien de plus évident, reprit mon oncle brusquement ; mais il n’est pas besoin de subterfuges en cette affaire. Il faut que je vous quitte, Monsieur Trévanion. — Pourquoi ? dira-t-il. Ne me le demandez pas. Il insistera. Eh bien donc, monsieur, si vous voulez le savoir, j’aime votre fille. Je n’ai rien, elle est une riche héritière. Vous n’approuveriez pas cet amour, c’est pourquoi je vous quitte ! Voilà la conduite qui convient à un gentilhomme anglais ; n’est-ce pas, Austin ?

— Vous êtes toujours dans le vrai quand vous laissez parler votre cœur, Roland. Pourrez-vous soutenir ce langage, Pisistrate, ou s’il faut que je le tienne pour vous ?

— Qu’il parle lui-même, reprit Roland, et qu’il juge lui-même de la réponse. Il est jeune, il a du mérite, il peut jouer un rôle dans le monde. Peut-être que Trévanion répondra : Vous obtiendrez votre dame quand vous aurez conquis vos lauriers, comme les chevaliers d’autrefois. Dans tous les cas, vous entendrez ce qu’il vous dira.

— J’irai, » dis-je avec fermeté.

Je pris mon chapeau et sortis de la chambre. Au moment où je traversais le palier, un pied léger descendait l’escalier de l’étage supérieur, et une petite main s’empara de la mienne.