Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/272

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sible, afin de faire le tien sur la terre et d’arriver au ciel ; un homme qui s’occupe d’un devoir sublime, qui ne vit que d’une vie spirituelle, et qui est si rempli de la conscience de son immortalité et si fort du lien qui unit l’homme à Dieu, que, sans aucune affectation de stoïcisme, sans être insensible à la douleur (car son tempérament nerveux devait même la lui faire ressentir plus vivement), il goûte cependant un bonheur tout à fait indépendant de ce monde. Il est impossible de ne pas tressaillir d’une admiration qui vous élève et vous inspire une crainte respectueuse, en lisant cette solennelle consécration de lui-même à Dieu. Cette offrande de son âme et de son corps, de son temps, de sa santé, de sa réputation, de ses talents, au Principe divin et invisible du bien, nous fait tout à coup apercevoir la vanité de nos projets et de nos espérances, et nous réveille de cet égoïsme qui exige tout et ne veut céder en rien. Mais ce livre a surtout fait vibrer la corde sensible de mon cœur par ce trait caractéristique, que mon père dit appartenir à toutes les biographies. C’est une vie remarquablement remplie par de grandes études, de grandes pensées et de grandes actions ; et pourtant, ajoutai-je en rougissant, combien ces sentiments qui ont exercé sur moi leur tyrannie et qui m’ont fait paraître le monde vide et désert tiennent peu de place dans cette vie ! Ce n’est pas que cet homme ait mené la vie froide et austère d’un ascète ; il est facile de voir qu’il avait une sensibilité remarquable et de vives affections, mais avec cela une volonté puissante et la passion de toutes les natures vigoureuses. Oui, je comprends mieux à présent ce que doit être l’existence de l’homme !

— Tout cela est fort bien dit, répliqua le capitaine ; mais ce n’est pas cela qui m’a frappé. Ce que j’ai vu dans ce livre, c’est le courage. J’y ai vu une pauvre créature se roulant par terre au milieu des plus horribles souffrances, torturée depuis son enfance jusqu’à sa mort par une maladie mystérieuse et incurable, une maladie qui est représentée comme un appareil intérieur de torture ; et cet homme, grâce à son héroïsme, fait plus que la supporter ; il la met hors de pouvoir de l’affecter, et, je cite le passage, quoique son sort fût de souffrir continuellement, jour et nuit, néanmoins une vive satisfaction était la compagne de son existence. Robert Hall m’a donné une leçon, à moi vieux soldat qui me croyais au-dessus de toute leçon ; il