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Il est question d’introduire des changements importants dans le système académique ; on prétend que les mathématiques cesseront d’avoir le premier rang à Cambridge, et que les palmes d’honneur seront décernées aux heureux disciples des sciences morales et naturelles. On a placé, dit-on, deux fauteuils très-utiles, deux fauteuils-voltaire, à côté du trône antique de la déesse Mathésis. Je n’y vois pas d’inconvénient ; mais ce qui me semble excellent dans les trois années de la vie scolaire, c’est bien moins la chose qu’on apprend que la persévérance opiniâtre à apprendre quelque chose.

Ce fut un bonheur pour moi, sous un rapport, d’avoir un peu vu le monde réel, le monde de Londres, avant de voir son imitation, le monde de l’Université. Ce qu’on appelait plaisir à l’Université eût pu me séduire, si j’y étais arrivé immédiatement au sortir de l’institut philhellénique ; mais ce prétendu plaisir fut sans attrait pour moi, qui avais vécu de la vie de la capitale. Boire jusqu’à l’ivresse, jouer gros jeu, affecter un air de rusticité et faire des dépenses extravagantes, voilà ce qui était à la mode quand j’étais à l’Université, sub consule Planco, lorsque Wordsworth était principal du collège de la Trinité. Peut-être cela est-il changé aujourd’hui.

Mais j’avais déjà moralement passé l’âge où de pareils exemples auraient pu être dangereux pour moi. Je me trouvai donc tout naturellement en dehors de la société des fainéants, et je fréquentai celle des piocheurs.

À vrai dire, je n’avais plus mon ancienne passion pour les livres. Si mon initiation à la vie du monde m’empêchait de me jeter dans les excès de la vie d’étudiant, elle avait d’autre part augmenté ce besoin d’activité pratique qui était un des éléments de mon caractère. Hélas ! malgré ce que j’avais lu dans la biographie de Robert Hall, bien des fois le souvenir du passé revenait si cruel, que je fuyais tout à coup ma chambre, poursuivi par de trop charmantes visions, et je cherchais à éteindre en fatiguant mon corps la fièvre qui dévorait mon cœur. Cette ardeur de la première jeunesse qu’il est si sage de consacrer aux études, je l’avais consumée déjà sur les autels d’un culte plus aimable. Aussi j’avais beau travailler, le travail me causait une sensation que n’éprouve jamais le véritable amant de la science, ainsi que je le reconnus plus tard. La science, cette statue de marbre, s’anime de la chaleur vitale,