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Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/373

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avez employé votre fortune à améliorer des terres semblables, et vous avez ainsi répandu des bienfaits auxquels vous ne songez pas dans votre bibliothèque, à Londres. Que de bouches vous nourrissez ! que de bras vous faites travailler ! J’ai calculé que les landes de mon oncle, qui entretiennent à peine aujourd’hui deux ou trois bergers, pourraient, si elles étaient transformées par des capitaux, faire vivre deux cents familles de travailleurs. Tout cela vaut qu’on en fasse l’essai. Aussi Pisistrate veut gagner de l’argent. Pas énormément ! il n’a pas besoin de millions. Quelque mille livres sterling iraient loin. Avec un modeste capital pour commencer, Roland deviendrait un vrai squire, un vrai propriétaire, au lieu d’être simplement seigneur d’un désert. Ainsi donc, cher monsieur, dites-moi comment, avec les qualités que je possède, je puis arriver à ce capital, et cela avant qu’il soit trop tard ; il ne faut pas que je rencontre la tombe avant d’avoir gagné cet argent.

Je me suis détourné avec désespoir de ce monde civilisé où nous sommes ; j’ai jeté les yeux sur un monde beaucoup plus vieux encore, et puis sur un autre qui est un géant dans son enfance. Ici l’Inde… là l’Australie ! Qu’en dites-vous, monsieur ? Vous verrez froidement ces mêmes choses qui flottent devant mes yeux à travers une brume qui me les fait paraître d’or dans le lointain ; et telle est ma confiance en votre jugement, que vous n’avez qu’à m’écrire : « Insensé, laisse là tes Eldorados et reste à la maison, assis devant ton pupitre et collé sur tes livres ; anéantis cette exubérance de vie animale qui est en toi ; deviens une machine intelligente. Tes qualités physiques te sont inutiles ; prends place parmi les esclaves de la lampe, » pour que je vous obéisse sans murmurer. Mais si j’ai raison, si j’ai en moi des qualités qui n’ont aucune valeur ici, si ma tristesse n’est que l’instinct de la nature qui me pousse à sortir de cette civilisation décrépite pour aller grandir au milieu de l’agitation de quelque société plus jeune et plus vigoureuse ; alors, donnez-moi, je vous prie, un conseil qui puisse revêtir mon idée d’un corps tangible et réel. Me suis-je fait comprendre ?

Nous recevons rarement un journal ici ; pourtant il en arrive un de temps à autre du presbytère, et, il y a quelques jours, j’ai eu le plaisir de lire un paragraphe qui parlait de votre