Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/380

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crédule bonne amusait mon enfance (c’étaient des contes merveilleux de chevaliers errants et d’aventures) avaient laissé derrière eux des semences longtemps cachées, des semences qui auraient pu ne jamais germer, si je n’avais été transplanté de si bonne heure dans la serre brûlante de Londres. Là, même au milieu des livres et de l’étude, un esprit observateur et une ambition pétulante sortirent du vain feuillage du roman, cet inutile produit d’une jeunesse poétique. L’amour, qui est une révolution dans tous les éléments de l’individu, avait fait de moi un homme nouveau, plein d’ardeur et de vie ; il avait enterré les vieilles habitudes et les formes de convention, ces cendres qui disent où le feu a brûlé. Loin de moi, comme de tout esprit un peu viril, de vouloir exciter l’intérêt en insistant longuement sur les luttes que j’eus à soutenir contre un attachement mal placé, qu’il était de mon devoir de vaincre ! Mais, ainsi que je l’ai déjà fait entendre, tout amour pareil est un terrible agitateur :

L’herbe ne pousse plus où la fée a dansé.

Rentrer dans la vie d’écolier, suivre avec douceur et docilité cette discipline routinière, j’avais trouvé cela bien dur au milieu du cloître monotone de mon collège ! Mon amour pour mon père et ma soumission à ses désirs avaient sans doute embelli un peu ces objets désagréables ; mais, à présent que mon retour à l’université doit être accompagné de privations réelles à la maison, la pensée m’en est devenue odieuse et repoussante. Sous prétexte que je ne me sens pas encore en état de faire honneur au nom de mon père, j’ai facilement obtenu de perdre la prochaine inscription au collège et de poursuivre mes études à la maison. Cela me donne le temps de préparer mon plan et d’y amener… Mais comment amènerai-je jamais à mes projets aventureux ceux que je me propose de quitter ? Il est difficile de faire son chemin dans le monde… bien difficile ! mais le pas le plus difficile de tous est celui qui nous éloigne du seuil d’une maison aimée… Comment ? Ah ! comment, en vérité ?

« Non, Blanche, vous ne pouvez m’accompagner aujourd’hui ; je sors pour plusieurs heures. Il sera tard avant que je revienne à la maison. »