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CHAPITRE IV.

Voilà donc le plus terrible passé, et ma mère a été la plus héroïque de tous. Aussi je commençai à me préparer sérieusement. Je suivis les instructions de Trévanion avec une persévérance que jamais, à cet âge, je n’aurais pu apporter dans la vie morte des livres. J’étais à bonne école, au milieu de nos bergeries du Cumberland, pour apprendre ces simples éléments de la science rurale qui appartiennent à l’état de pasteur. M. Sidney, dans son admirable Manuel australien, recommande aux jeunes gens qui songent à s’établir dans le Bocage de bivouaquer trois mois dans la plaine de Salisbury. Ce livre n’était pas encore écrit, autrement j’aurais peut-être suivi ce conseil ; mais, sans manquer de respect à pareille autorité, je crois avoir passé par une préparation tout aussi utile pour aguerrir le futur émigrant. Je me mêlai de bon cœur avec les bons paysans et les artisans qui me servirent de maîtres. Avec quel orgueil j’offris à mon père un pupitre, et à ma mère une boîte à ouvrage, façonnés de mes propres mains ! Je fis à Bolt une serrure pour le coffre où il serrait l’argenterie ; puis (mais ceci fut mon magnum opus, mon grand chef-d’œuvre), je réparai et fis marcher la vieille horloge de la tourelle, qui, de mémoire d’homme, était arrêtée à deux heures après midi. J’aimais à penser que, chaque fois que l’heure sonnerait, ceux qui entendraient sa voix grave se souviendraient de moi. Mais les troupeaux m’occupèrent principalement. Le mouton que je soignai et que j’aidai à tondre, l’agneau que je retirai de la grande mare, et les trois vénérables brebis que je sauvai d’une épidémie mystérieuse qui mit sur les dents tout le voisinage : tout cela n’est-il pas inscrit dans tes chères chroniques, ô maison de Caxton ?

Enfin, comme une grande partie du succès de mon expérience allait dépendre de la bonne intelligence qui régnerait entre mon associé et moi, j’écrivis à Trévanion pour le prier d’engager le jeune homme qui devait se joindre à moi, et dont