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Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/398

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Mon père fit quelques objections et essuya l’humidité qui s’était amassée sur les verres de ses lunettes ; mais je ne voulus pas lui laisser de repos jusqu’à ce qu’il m’eût donné sa parole de faire marcher le grand ouvrage à pas de géant, jusqu’à ce que je l’eusse vu s’asseoir de bon cœur au travail, et que ce rouage du tranquille mécanisme de sa douce vie se fût mis à fonctionner de nouveau.

Enfin, et ce fut le triomphe de ma diplomatie, je fis pour Squills l’acquisition de la clientèle et des bonnes grâces de l’apothicaire du voisinage, à des conditions auxquelles notre ami souscrivit volontiers ; car le pauvre homme ne pouvait s’habituer à la perte de ses clients favoris, quoique, Dieu le sait, ils n’ajoutassent pas grand chose à son revenu. Quant à mon père, il n’y avait pas d’homme qui le divertît autant que Squills, bien qu’il l’accusât d’être matérialiste, et qu’il mît à ses trousses toute la meute des sages spiritualistes, depuis Platon et Zénon jusqu’à Reid et Abraham Tucker.

Quoique je n’aie indiqué que vaguement la marche du temps, il s’écoula plus d’une année entre le jour de notre arrivée à la tour et celui fixé pour mon départ.

Cependant, malgré la rareté chez nous de ce phénomène qu’on appelle un journal, nous n’étions pas si complètement séparés des bruits du monde, que la nouvelle d’un changement de ministère et de la nomination de M. Trévanion à l’un des grands postes de l’État n’arrivât à nos oreilles. Depuis la lettre qui nous avait amené la visite de Guy Bolding, je n’avais plus correspondu avec Trévanion ; je lui écrivis alors pour le complimenter. Sa réponse fut courte et faite à la hâte.

Une nouvelle qui me surprit davantage et qui émut mon cœur profondément me fut apportée, trois mois environ avant mon départ, par l’intendant de Trévanion. La mauvaise santé de lord Castleton avait retardé son mariage, qui d’abord avait dû être célébré aussitôt après sa majorité. Au sortir de l’Université, où il avait remporté tous les honneurs, sa constitution avait semblé se remettre des suites d’études plus fatigantes pour lui que pour un jeune homme d’une intelligence plus vive et plus brillante ; lorsqu’un refroidissement accompagné de fièvre, qu’il avait attrapé dans un meeting de province, où sa première apparition justifia pleinement les plus grandes espérances de ceux de son parti, produisit une inflammation des