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Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/42

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les Iroquois aborigènes. L’oncle Jack avait aussi nourri des desseins philanthropiques contre cette peuplade, car il avait voulu la convertir au christianisme de l’église épiscopale anglaise, et en même temps profiter de ces relations pour troquer des bibles, de l’eau-de-vie et de la poudre à canon contre des peaux de castor.

Il n’est pas étonnant que l’oncle Jack ait gagné mon cœur. Il y avait bien longtemps qu’il avait gagné celui de ma mère, le jour où il lui avait persuadé de lui céder la grande poupée, présent de sa marraine, pour en faire une loterie au profit des ramoneurs. Elle répétait souvent : « Cela lui ressemble bien !… il est si bon ! » Le billet de loterie coûtait six pence ; il y en eut vingt de vendus ; la poupée avait coûté deux livres. Personne ne s’y laissa prendre, et la pauvre poupée (elle avait de si jolis yeux bleus !) s’en alla pour le quart de sa valeur. Mais Jack disait qu’on ne pouvait se figurer tout le bien que ces dix schellings avaient fait aux ramoneurs.

Ma mère aimait l’oncle Jack, c’était tout naturel ! mais mon père l’aimait tout autant, et c’était là une grande preuve de la puissance séductrice de mon oncle. Cependant il est à remarquer que, lorsqu’un savant vivant dans la retraite s’intéresse une fois à un homme actif qui vit dans le monde, il est beaucoup plus porté à l’admirer que tout autre. Sa sympathie pour un tel compagnon satisfait à la fois sa curiosité et son indolence ; il peut voyager avec lui, faire des projets avec lui, combattre avec lui, passer avec lui par toutes les aventures dont ses livres parlent si éloquemment, et tout cela sans sortir de sa bergère. Mon père disait qu’il lui semblait écouter Ulysse quand il écoutait l’oncle Jack. L’oncle Jack, lui aussi, avait été en Grèce et en Asie Mineure ; il avait traversé les champs où fut Troie, mangé des figues à Marathon, chassé le lièvre dans le Péloponnèse, et bu trois pintes de bière brune sur le sommet de la grande pyramide.

Aussi l’oncle Jack était comme un livre de renseignements pour mon père. Parfois il le regardait réellement comme un livre et le prenait avec lui après dîner, comme il eût pris un volume de Dodwell ou de Pausanias. Je crois que les savants qui ne sortent jamais de leur retraite n’en sont pas moins une race éminemment curieuse, affairée, active, quand on les comprend bien. Le vieux Burton disait de lui-même : « Quoique je