Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je me sentis rougir tandis que je répondais d’une voix ferme :

« Pour être juste envers Mlle Trévanion, il faut ajouter que cet infortuné a avoué devant elle et devant moi n’avoir jamais reçu le moindre encouragement à une pareille tentative, ni le moindre sujet de croire qu’elle approuvât l’amour qui, je pense, l’a aveuglé et rendu fou.

— Je vous crois, car je pense… »

Lord Castleton s’interrompit. Il paraissait mal à l’aise ; il me regarda de nouveau, se leva et se promena dans la chambre en proie à une grande agitation. Puis, comme s’il venait de prendre une résolution, il revint à la cheminée et s’arrêta debout devant moi.

« Mon cher jeune ami, dit-il avec sa bonté et sa franchise, auxquelles nul ne pouvait résister, la circonstance où nous sommes doit tout excuser entre nous, même mon impertinence. Votre conduite, depuis le premier instant jusqu’au dernier, a été telle que je voudrais de tout mon cœur avoir une fille à vous offrir, si vous l’aimiez comme je crois que vous aimez Mlle Trévanion. Ce ne sont pas là des paroles en l’air ; ne baissez pas les yeux comme si vous aviez à rougir. Tous les marquisats du monde ne me rendraient jamais aussi fier que je le serais, si je voyais dans ma vie un sacrifice de moi-même au devoir et à l’honneur, tel que celui que j’ai vu dans la vôtre.

— Oh ! milord, milord !

— Écoutez-moi jusqu’au bout. Vous aimez Fanny Trévanion, je le sais. A-t-elle innocemment, timidement, presque à son insu, répondu à votre amour ? c’est probable. Mais…

— Je sais ce que vous voulez dire ; épargnez-moi… je sais tout cela.

— Eh bien ! oui, c’est une chose impossible ; et si lady Ellinor y consentait, elle le regretterait toute sa vie ; vous-même seriez sous le poids d’obligations telles, que… non, je le répète, c’est impossible ! Mais songeons tous deux à cette pauvre fille. Je la connais mieux que vous… je la connais depuis son enfance. Je connais toutes ses qualités, qui sont charmantes, tous ses défauts qui l’exposent au danger. Ses parents, avec leur génie et leur ambition, peuvent bien gouverner l’Angleterre et influer sur les destinées du monde ; mais régler la destinée de cette enfant ? non. »