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de la patte gauche. Tantôt il s’arrêtait, regardant gravement les déambulations de son maître ; tantôt il se promenait à côté de lui, et, à tout événement, ne le quittait pas avant d’avoir reçu sa nourriture des propres mains de M. Caxton, lorsqu’il avait fini sa promenade. Nasillant alors de pacifiques adieux, la nymphe se retirait sur son élément naturel.

À l’exception du cabinet favori de ma mère, les principaux appartements, c’est-à-dire le cabinet d’étude, la salle à manger, et le grand salon qui ne servait que dans les grandes occasions, regardaient le midi. Des hêtres, des sapins, des peupliers géants et quelques chênes s’élevaient derrière la maison, et l’entouraient même de toutes parts, à l’exception du côté du midi ; de sorte qu’elle était bien abritée contre les froids de l’hiver et les chaleurs de l’été.

Notre principal domestique, en dignité et en rang, était Mme Primmins, dame de compagnie, gouvernante de la maison, et dictateur tyrannique de tout l’établissement. Deux autres filles, un jardinier et un valet de pied, composaient le reste de la maison.

Mon père n’avait d’autres terres que quelques prairies qu’il affermait. Son revenu consistait dans l’intérêt de 15 000 livres placées partie en 3 %, partie sur hypothèque ; et ce revenu suffisait toujours aux dépenses de ma mère et de Mme Primmins, à la satisfaction de la manie bouquinière de mon père, et aux frais de mon éducation. Il permettait même d’offrir quelquefois le dîner, et plus souvent le thé à nos voisins.

Ma bonne mère prétendait que notre société était très-choisie. Elle se composait principalement du ministre et de sa famille, de deux vieilles filles qui se donnaient de grands airs, d’un monsieur qui avait été au service de la compagnie des Indes orientales, et qui demeurait dans une grande maison blanche sur le sommet de la colline ; d’environ une demi-douzaine de squires, ou propriétaires campagnards, avec leurs femmes et enfants, et de M. Squills, toujours célibataire. Une fois l’an, on échangeait des cartes, et des dîners aussi, avec certains aristocrates qui inspiraient à ma mère un respect mêlé d’effroi, quoique, de son propre avis, ce fussent les meilleures personnes du monde. Elle étalait toujours leurs cartes à la partie la plus en vue de la glace qui surmontait la cheminée de son beau salon.