Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/485

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je pouvais encore être bon à quelque chose (car, ajouta-t-il tristement, je me rappelle vos propres paroles), oh ! alors une lumière nouvelle se fit autour de moi, une lumière qui luttait encore contre les ténèbres, mais qui n’en était pas moins déjà la lumière. L’ambition qui m’avait poussé vers cette girouette de Français se ralluma et prit une forme plus digne et plus définie. Je voulus m’élever au-dessus de la boue, me faire un nom et une position dans le monde ! »

Vivian baissa la tête, mais il la releva aussitôt et se mit à rire de son rire bas et moqueur. On peut raconter succinctement le reste de son histoire. Conservant toute l’amertume de son ressentiment contre son père, il résolut de garder l’incognito ; il prit un nom capable d’égarer toutes les conjectures au cas où je parlerais de lui à ma famille : car il savait que Roland avait connaissance de l’escapade du fils du colonel Vivian, et c’était même une conversation sur ce sujet qui lui avait inspiré l’idée de prendre la fuite. La pensée de se faire connaître de Trévanion lui avait souri tout d’abord, mais il avait ses raisons pour ne pas vouloir m’être redevable de son introduction dans cette maison et pour me cacher le lieu de son séjour ; tôt ou tard j’aurais découvert son vrai nom. Heureusement pour ses projets, nous étions sur le point de quitter Londres, et il allait se trouver à l’aise sur cette vaste scène. Ce fut alors qu’il se décida à mettre à exécution son grand projet, qui était d’obtenir une petite indépendance pécuniaire et de s’émanciper totalement de l’autorité de son père. Connaissant le respect chevaleresque du pauvre Roland pour le nom de ses ancêtres, et fermement convaincu qu’il n’avait pas d’amour pour son fils, mais seulement la crainte d’être déshonoré par lui, il résolut de profiter des préjugés de son père pour arriver à son but.

Il écrivit à Roland une lettre fort courte, la lettre qui avait causé tant de joie au pauvre homme, et après la lecture de laquelle il avait dit à Blanche : « Priez pour moi ! » Dans cette lettre Vivian disait qu’il désirait voir son père, et il lui donnait rendez-vous dans une taverne de la Cité.

L’entrevue eut lieu. Et lorsque Roland arriva, l’amour et le pardon dans le cœur, mais (et qui l’en blâmera ?) le front sévère et le regard plein de reproches, prêt sur un mot à se jeter au cou de son fils, Vivian, ne voyant que les signes extérieurs et