Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/502

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’introduire sous ce toit sacré. Mais vous connaissez la petite auberge, éloignée de trois milles, près du ruisseau des truites ; c’est là que nous avons établi notre demeure.

« Je l’ai conduit au village, en gardant son incognito. Je suis entré avec lui dans les chaumières, et j’ai fait tomber la conversation sur Roland. Vous savez comme votre oncle est adoré ; vous savez quelles anecdotes de sa jeunesse si généreuse et de sa vieillesse si charitable ont pu venir à la bouche de gens dont la reconnaissance est si loquace ! Je lui ai fait voir de ses propres yeux, entendre de ses propres oreilles, combien tous ceux qui connaissent Roland l’aiment et l’honorent, et que son fils est seul à le haïr. Je lui ai fait faire ensuite le tour des ruines (sans lui permettre encore d’entrer dans la maison), car ces ruines sont la clef du caractère de Roland. En les voyant, on voit ce qu’il y a de vraiment touchant dans son orgueil de famille. Là, on fait la distinction entre ce noble orgueil et l’insolente fierté des riches ; on sent que cet orgueil n’est qu’un pieux respect pour les morts, le doux culte des tombeaux. Nous nous sommes assis sur des tas de pierres moussues, et là je lui ai expliqué ce que Roland a été dans sa jeunesse et ce qu’il a rêvé pour son fils. Je lui ai montré les tombes de ses ancêtres, et je lui ai dit pourquoi elles sont sacrées aux yeux de Roland !

« J’avais déjà fait beaucoup de chemin, lorsqu’il exprima le désir d’entrer dans la maison qui devrait être la sienne. Mais je le fis s’arrêter de lui-même et se dire : « Non, il faut d’abord que je m’en sois rendu digne. » Vous auriez souri alors, satirique que vous êtes, de m’entendre expliquer à ce jeune homme si intelligent ce que nous autres, gens simples, nous entendons par ce mot de maison : la confiance, la vérité, la sainteté, le bonheur, qui en font le sanctuaire de la famille ; la maison est au monde ce que la conscience est à l’esprit humain. Après cela, je lui parlai de sa sœur, que jusqu’alors il avait à peine nommée et qui lui semblait indifférente ; je lui en parlai pour lui rendre plus chers et son père et la maison. « Vous savez, » lui dis-je, « que si Roland venait à mourir, ce serait le devoir du frère de le remplacer, de défendre l’innocence de sa sœur, de protéger son nom ! Un nom honorable est quelque chose ; votre père n’avait pas tort de l’estimer si haut. N’aimeriez-vous pas que votre sœur pût être fière de votre nom ? »