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mis dans ma main la main de Fanny, en me disant : « Elle est à vous ! »

Et maintenant le sort en est jeté ; la décision est prise. J’écrivis sans regret à Trévanion pour refuser ses offres. Et ce sacrifice ne fut pas si grand qu’il pourrait le paraître à quelques-uns, même abstraction faite de l’orgueil naturel qui m’y avait d’abord porté : car, au milieu de mon agitation, je m’étais efforcé de voir la vie sous d’autres aspects que ceux du Pouvoir et du Rang, ces deux divinités de la terre qui sont au bout de toutes les perspectives des ambitieux. N’avais-je pas été admis dans les coulisses ? n’avais-je pas vu ce que coûtait à Trévanion de tranquillité et de joie la poursuite du pouvoir, et combien peu de bonheur le rang apportait à un homme d’habitudes aussi raffinées et de qualités aussi aimables que lord Castleton ? Pourtant ces deux caractères semblaient si bien faits, le premier pour le pouvoir, le second pour le rang ! C’est une chose merveilleuse que de voir avec quelle libéralité la Providence compense les faveurs partiales de la fortune. Pour elle on renonce à son indépendance, on fait des efforts d’activité surprenants, on met de côté l’amour avec ses douces récompenses ; on abandonne le sentier d’une vie toute remplie des charmes de la nature, d’une vie dont les jouissances physiques sont pures et saines, d’une vie où les facultés morales s’épanouissent avec les facultés intellectuelles, et où le cœur est en paix avec l’âme. Ce sort qu’on abandonne est-il donc trop indigne de l’ambition, ou hors de la portée de la nature humaine ? « Connais-toi toi-même, » disait la vieille philosophie. « Perfectionne-toi, » dit la nouvelle. Le grand objet du passager sur le navire du temps n’est pas de gaspiller ses affections et ses talents à des choses extérieures qu’il devra laisser derrière lui ; ce qu’il cultive intérieurement est tout ce qu’il pourra emporter dans le pays de l’Éternité. Nous ne sommes ici que comme des écoliers dont la vie commence là où finit l’école ; nos batailles avec nos rivaux et les joujoux que nous partagions avec nos camarades, et les noms que nous gravions haut et bas sur les murs et sur nos pupitres : tout cela nous sera-t-il d’une grande utilité plus tard ? À mesure que de nouvelles destinées se grouperont autour de nous, tout cela nous arrachera-t-il autre chose qu’un sourire ou un soupir ? Regardez en arrière aux jours où vous alliez à l’école, et répondez.