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et les huissiers par la contribution locale, et les chemins par les droits de péage ? tandis qu’il est ruiné par les hypothèques, les juifs et les douaires, qu’il a des cadets à pourvoir, des dépenses énormes à faire pour l’exploitation de ses bois, pour les engrais de sa ferme-modèle et l’élève des gros bœufs dont chaque livre de viande lui coûte cinq livres sterling de tourteaux ! Et puis les procès nécessaires pour maintenir ses droits ; les braconniers, les gardes-chasse, les voleurs de moutons et de chiens, les bedeaux, les inspecteurs, les jardiniers et l’intendant, cette canaille nécessaire ! Ah ! si jamais il y a eu quelqu’un que nous puissions vraiment appeler notre infortuné semblable, c’est bien un gentilhomme campagnard chargé d’un grand domaine ! »

Mon père prenait évidemment tout cela pour une excellente raillerie, car je voyais, aux commissures de ses lèvres, qu’il riait intérieurement.

Le squire Rollick, qui avait interrompu cette harangue par plusieurs exclamations d’assentiment, particulièrement aux mots de taxe des pauvres, dîme, contribution locale, hypothèques et braconniers, passa alors la bouteille à l’oncle Jack et lui dit poliment :

« Il y a beaucoup de vrai dans vos paroles, monsieur Tibbets. L’intérêt agricole approche de sa ruine, et quand il sera ruiné, je ne donnerais pas ça pour la vieille Angleterre ! » Et M. Rollick fit claquer le doigt avec le pouce. « Mais qu’y a-t-il à faire… à faire pour le Comté ? C’est là le diable !

— J’allais y arriver, reprit l’oncle Jack. Vous dites que vous n’avez pas un seul journal pour défendre votre cause et attaquer vos ennemis ?

— Non, depuis que les whigs ont acheté le Mercure.

— Eh ! bon Dieu ! monsieur Rollick, comment pouvez-vous supposer que justice vous sera rendue, si, en un temps pareil, vous négligez la presse ? La presse, monsieur, c’est… c’est l’air que nous respirons ! Ce qui vous manque, c’est un grand journal national, non, pas national, mais provincial, hebdomadaire, des propriétaires ; un journal qui soit constamment et libéralement soutenu par le parti puissant dont l’existence est en péril. Sans une telle feuille, vous êtes perdus, vous êtes morts, éteints, défunts, ensevelis vivants ; avec une telle feuille bien conduite, bien rédigée par un homme du monde, par un homme