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CHAPITRE V.

Je me réveille. J’ai rêvé que j’étais encore dans le Bocage, que j’entendais les hurlements des dingos, ou chiens sauvages d’Australie, et les cris de guerre des indigènes. Le soleil envoie ses joyeux rayons à travers le jardin que Blanche elle-même a fait grimper autour de la fenêtre. Et que vois-je ? mes vieux livres de classe soigneusement rangés sur une étagère, mes lignes, mes crosses, mes fleurets, mon vieux fusil, garnissant les murailles… et ma mère assise à mon chevet… et Juba qui gratte et gémit pour qu’on le fasse monter sur mon lit. Avais-je donc pris le murmure de tes bénédictions, ô ma mère, pour les cris de guerre des sauvages, et les gémissements de Juba pour les hurlements des dingos ?

Quels jours de calme et délicieuse félicité ! quel échange de nos cœurs ! quelles promenades avec Roland ! quels doux entretiens sur celui qui était autrefois notre honte et qui fait à présent notre orgueil ! Avec quelle adresse le vieillard se promène à travers le village, pour que quelque bonne femme l’arrête et lui demande des nouvelles de Son Honneur, le brave jeune capitaine !

Je cherche à faire adopter par mon oncle les projets que je nourris depuis si longtemps : je voudrais réparer les ruines, cultiver ces vastes marécages et ces tourbières. Pourquoi se détourne-t-il d’un air embarrassé ?… Ah ! je devine. Son véritable héritier lui est rendu. Il ne peut consentir à me laisser employer ce métal jaune (dont je ne saurai que faire, une fois le grand ouvrage publié) à la restauration de la maison et des terres qui passeront à son fils. Il ne veut même pas que j’y consacre la fortune de son fils, fortune dont je conserve encore le lourd dépôt. Mon cousin peut avoir un jour besoin de son argent, dans le cours de sa carrière. Mais moi, qui ne suis aucune carrière, ces scrupules me raviraient la moitié du plaisir que j’ai voulu acheter au prix de tant d’années de travail ! De manière ou d’autre, il faut que je réussisse… S’il me louait