Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/555

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gine des idées qu’à prouver aux cabinets et aux nations que deux et deux font quatre, proposition sur laquelle il fût tombé d’accord avec Abraham Tucker. Ce plus ingénieux de tous les métaphysiciens anglais, observe : « Encore que je sois bien persuadé que deux et deux font quatre, si je me rencontrais avec une personne sincère, intelligente, considérée, qui révoquât en doute cet axiome, je l’écouterais, car je n’en suis pas plus assuré que de cet autre : le tout est plus grand qu’une de ses parties. Je pourrais moi-même suggérer quelques considérations qui sembleraient mettre ce point en discussion. »

Je me représente parfaitement Trévanion écoutant une personne sincère, intelligente et considérée, qui chercherait à combattre cette proposition vulgaire : Deux et deux font quatre.

Mais la nouvelle de son arrivée avec lady Castleton me troublait, et je me mis à faire de longues promenades solitaires. Pendant une de ces excursions, ils vinrent tous à la tour ; lord et lady Ulverstone, les époux Castleton et leurs enfants. Quand je rentrai, une certaine délicatesse, née des anciens souvenirs, empêcha qu’on ne parlât beaucoup en ma présence de ce grand événement. Roland avait été absent, comme moi. Blanche, ignorant tous les antécédents, fut celle qui en parla le plus, et elle choisit pour thème la grâce et la beauté de lady Castleton.

On avait cordialement invité mes parents à venir passer quelques jours au château. Je fus le seul qui acceptai.

Oui, je voulais mettre à l’épreuve la victoire que j’avais remportée sur moi-même, et me rendre compte de la nature des sentiments qui m’avaient troublé. Il me semblait moralement impossible que je conservasse de l’amour pour lady Castleton, épouse d’un homme qui avait tant de droits à mon amitié. Et cependant pouvais-je aimer ailleurs, avec toutes ces impressions de jeunesse encore si vives dans mon cœur, avec le souvenir de Fanny Trévanion, à mes yeux la plus belle des créatures humaines ? Pouvais-je rechercher une autre femme, réclamer l’amour d’une jeune fille tant que je regretterais l’amour de Fanny ? Non. Il faut que je reconnaisse que Fanny (fût-elle libre de nouveau, et n’y eût-il entre nous aucun obstacle humain ou divin) a cessé d’être celle que je choisirais entre toutes. Sinon, tout en regardant mon amour comme mort, je dois rester fidèle à sa mémoire.

Ma mère soupira et parut inquiète pendant toute la matinée