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rendait des brochures imprimées en lettres gothiques dans le sanctuaire de Westminster ?

— Cela dépend des preuves, mon oncle.

— Non, monsieur ; comme toutes les grandes vérités, cela dépend de la foi ! Aujourd’hui les hommes, continua mon oncle avec un air d’indicible dégoût, demandent des preuves de la vérité !

— C’est une triste fantaisie qu’ils ont, sans doute, mon cher oncle ; mais jusqu’à ce qu’une vérité soit prouvée, comment pouvons-nous savoir que c’est une vérité ? »

Je croyais bien avoir pris mon oncle dans cette question sagace ; mais non : il glissa au travers comme une anguille.

« Monsieur, dit-il, tout ce qui, dans la vérité, rend le cœur d’un homme plus chaud et son âme plus pure, n’est pas une science : c’est une croyance. La preuve, monsieur, est une menotte ; la croyance est une aile. Prouver qu’on a eu tel ou tel ancêtre sous le règne de Richard ! vous ne pouvez pas même prouver d’une manière satisfaisante, pour un logicien, que vous êtes le fils de votre père ! Un homme religieux ne cherche pas à prouver sa religion. La religion n’est pas comme les mathématiques. La religion, il faut la sentir et non la prouver. Il y a beaucoup de choses dans la religion d’un brave homme qui ne sont pas dans le catéchisme… La preuve, continua mon oncle s’animant de plus en plus, la preuve, monsieur, c’est un jacobin lâche, vulgaire, niveleur, canaille. La foi, c’est un gentilhomme loyal, généreux, chevaleresque ! Non, non, prouvez tout ce qu’il vous plaira, vous ne m’ôterez jamais une croyance qui m’a fait…

— La plus noble créature qui ait jamais dit des absurdités, interrompit mon père, survenu juste au bon moment, comme le dieu d’Horace. Qu’est-ce donc, frère, que vous voulez croire absolument, malgré toutes preuves contraires ? »

Mon oncle garda le silence et se mit à fouiller énergiquement le gravier avec le bout de sa canne.

« Il ne veut pas croire, dis-je malicieusement, à notre illustre ancêtre l’imprimeur. »

Le front calme de mon père se couvrit de nuages pour un moment.

« Frère, dit le capitaine d’un air hautain, vous avez le droit