Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/25

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crime, cela expliquait pourquoi il n’avait point donné l’alarme, et appelé au secours. Il parla ensuite du plaidoyer qu’avait prononcé Eugène Aram ; celui-ci, comme si son innocence devait être son génie protecteur, avait dédaigné de prendre un avocat, même comme conseil, n’avait point assigné de témoins ; il fit un éloge magnifique de l’éloquence et du talent déployés par l’accusé, et détruisit tout l’effet de cet éloge en invitant les jurés à se tenir en garde contre cette éloquence, contre ce talent ; il termina en déclarant que selon lui, Aram n’avait produit aucun argument décisif pour anéantir les charges portées contre lui.

J’ai souvent entendu dire par des hommes qui ont l’expérience des cours d’assises, que rien n’est plus surprenant que le changement produit dans les dispositions des jurés par le simple résumé du magistrat. Les jurés échangèrent ce regard fatal où l’accusé peut lire sa condamnation prononcée d’avance à l’unanimité.

Eugène Aram fut déclaré coupable.

Le juge se coiffa de sa toque noire.

Aram reçut la sentence avec un sang-froid impassible. Avant de quitter sa place, il se dressa de toute sa hauteur, et jeta autour de lui un regard plein de ce courage, de cette assurance naturelle qui font passer un frisson en ceux sur lesquels il se fixe. C’était une âme qui se resserrait sur elle-même, sans effort, sans convulsion, sans cette hypocrite audace qui confine à l’impertinent dédain ; avec majesté plutôt qu’avec amertume, paraissant braver le