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affaires d’ici-bas, et déterré un vieil ami de collège qui consentit à lui servir de second, se rendit dans un coin écarté de Wimbledon Common, et se posta, non pas de côté, comme on doit le faire dans de telles rencontres, manière d’agir que le squire jurait être une supercherie déloyale, mais juste en face du pistolet de son adversaire, et cela avec tant de résolution que le capitaine Dasbmore qui, bien qu’excellent tireur, était au fond le meilleur garçon de la terre, témoigna son admiration en gratifiant son courtois adversaire d’une balle dans la partie charnue de l’épaule, après quoi, il se déclara complètement satisfait. Les parties échangèrent alors des poignées de mains, on se fit mutuellement des excuses, et le squire, fort surpris de se trouver encore en vie, fut transporté à Limmer-Hôtel, où après de cruelles souffrances, la balle fut extraite et la blessure pansée. Maintenant que tout cela était passé, le squire se sentait rehaussé à ses propres yeux, et quand il était d’humeur plus féroce que d’ordinaire, il faisait de fréquentes allusions au danger qu’il avait couru.

Il réfléchit, néanmoins, que son frère avait contracté envers lui d’éternelles obligations ; qu’ayant procuré à Audley l’entrée du parlement, et défendu ses intérêts, au risque de sa propre vie, il avait le droit absolu d’imposer à ce gentleman sa façon de voter sur toutes les questions liées aux intérêts ruraux. Quelque temps après, Audley vint prendre place au parlement, et il jugea bon de voter et de parler tout à la fois dans un sens contraire aux promesses que le squire avait faites pour lui. M. Hazeldean lui adressa alors une mercuriale telle, qu’elle devait naturellement amener une réponse irritée. Peu de temps après, l’exaspération du squire fut portée à son comble. Ayant eu à passer par Lansmere un jour de marché, il fut hué par les mêmes fermiers qu’il avait décidés à voter pour son frère ; imputant avec justice cette disgrâce à Audley, il ne put jamais entendre le nom de ce déserteur des intérêts ruraux sans rougir de colère et sans pousser un cri d’indignation. M. de Ruqueville, qui était le plus grand esprit de son temps, avait, comme le squire, un beau-frère avec lequel il n’était pas dans les meilleurs termes et dont il parlait toujours comme de son frère éloigné. Audley Egerton était donc le frère éloigné du squire Hazeldean. Mais trêve d’explications sur ces antécédents et revenons aux ceps.


CHAPITRE IX.

Les charpentiers du squire furent enlevés aux palissades du parc et dirigés sur les ceps de la paroisse. Puis vint le peintre qui les peignit d’un beau bleu d’outremer avec une bordure blanche, et une