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Hélène lui barra le chemin et, le prenant doucement par le bras, lui dit :

« Oh ! monsieur, pardonnez-moi ! je vous ai fait de la peine. »

Elle leva vers lui des regards d’affectueuse compassion qui donnaient à sa figure enfantine une expression véritablement angélique.

Burley se pencha comme pour déposer un baiser sur son front ; puis recula… Peut-être pensa-t-il que ses lèvres n’étaient pas dignes de toucher ce front innocent.

« Si j’avais eu une petite sœur… une enfant comme vous, chère petite, dit-il à voix basse, peut-être eussé-je été sauvé aussi. Maintenant…

— Ah ! maintenant, monsieur, vous pouvez rester ; je n’ai plus peur de vous.

— Non, non ; vous auriez encore peur de moi ce soir, et je ne serais peut-être pas toujours d’humeur à écouter une voix semblable à la vôtre, chère enfant. Votre Léonard a un noble cœur et de rares talents. Il s’élèvera tôt ou tard dans le monde, je ne veux pas l’entraîner dans la fange. Adieu ! vous ne me reverrez plus ! »

Il quitta brusquement Hélène, descendit d’un bond l’escalier, et en un instant fut hors de la maison.

Quand Léonard revint, il fut surpris d’apprendre que son malencontreux visiteur était parti… Hélène ne se risqua pas à lui parler de son intervention. Un instinct lui disait que ce zèle officieux blesserait l’orgueil du jeune homme ; mais elle ne parla plus jamais avec sévérité de ce pauvre Burley. Léonard supposa qu’il reverrait son ami dans le courant de la journée, ou qu’il en entendrait parler. Ne le voyant pas, il alla le chercher dans les endroits que Burley fréquentait habituellement. Ce fut en vain. Il alla s’informer à la Ruche ; mais il n’y put obtenir aucun renseignement.

En rentrant chez lui, désappointé et inquiet, car cette disparition de son sauvage ami lui causait quelque peine, il rencontra à la porte mistress Smedley qui lui dit :

« Vous aurez la bonté, monsieur, de chercher un autre logement. Je ne veux pas dans ma maison de chants et de tapage, comme j’en ai entendu cette nuit. Et cette pauvre jeune fille ! Vous devriez vraiment rougir ! »

Léonard fronça le sourcil et passa outre.


CHAPITRE IX.

En quittant Hélène, Burley s’éloigna à grands pas et, comme poussé par un meilleur instinct, car il n’avait pas conscience du chemin qu’il suivait, il se dirigea du côté des vertes campagnes, séjour