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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/375

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— Je voudrais être indépendante de vous.

— C’est-à-dire que vous voudriez contracter un second mariage avec un de ces riches lords insulaires. Je respecte votre ambition.

— Elle ne va pas si loin. Je ne veux qu’échapper à l’esclavage, être placée au-dessus de toute tentation déshonorante. Je désire, s’écria Béatrix avec une émotion croissante, je désire rentrer dans la véritable vie d’une femme.

— Voyons, dit le comte avec une impatience visible ; qu’y a-t-il dans votre but qui vous doive opposer au mien ? Si je vous ai bien comprise, vous désirez vous marier ; et pour vous marier, comme il convient, il faut que vous apportiez à votre mari non pas des dettes, mais une dot. Soit, je vous rendrai la fortune que j’ai arrachée des griffes de ce vaurien génois, dès que je la posséderai moi-même, c’est-à-dire dès que je serai l’époux de l’héritière d’Alphonse. Et maintenant, Béatrix, si mes premiers projets, mes premiers désirs ont blessé votre conscience, mon plan actuel doit la satisfaire, car au moyen de ce mariage, notre parent rentrera dans son pays, et la moitié au moins de ses biens lui sera rendue. Et si je ne suis pas pour la demoiselle un excellent mari, ce sera sa faute à elle. J’ai jeté ma gourme, je suis bon prince lorsque les choses vont à peu près comme je l’entends ; c’est donc mon espérance et mon intention, comme ce sera certainement mon intérêt, de devenir un digne époux et un père de famille irréprochable. Je parle d’un ton léger, c’est mon habitude, néanmoins mes intentions sont sérieuses. Je rendrai la petite fort heureuse, et je réussirai à calmer tous les ressentiments que son père peut avoir conservés contre moi. Voulez-vous donc m’aider, oui ou non ? Secondez-moi et vous serez bientôt réellement libre. Le magicien délivrera l’esprit qu’il a contraint de lui obéir. Ne m’aidez pas au contraire, et sachez-le, je ne vous menace pas, je ne fais que vous prévenir ; ne m’aidez pas, supposons que je devienne un mendiant, et demandez-vous ce que vous deviendrez vous-même qui êtes encore jeune, encore belle et toujours sans ressources ; vous m’avez fait l’honneur (et ci le comte regardant vers la table, tira une lettre d’un portefeuille orné de ses armes et de sa couronne de comte), vous m’avez fait l’honneur de me consulter au sujet de vos dettes ?

— Vous me rendrez ma fortune ? dit la marquise d’un air irrésolu et détournant la tête avec dégoût à la vue d’une odieuse liste de chiffres.

— Lorsque avec votre aide j’aurai conquis la mienne.

— Mais ne vous exagérez-vous pas la valeur de mon concours ?

— C’est possible, dit le comte, d’un ton de douceur caressante ; et il baisa sa sœur au front. C’est possible, mais je tiens à honneur de réparer tous les torts réels ou supposés que je puis avoir eus autrefois envers vous. Je veux retrouver ma sœur bien-aimée. Je puis faire trop de cas de votre appui, je n’en saurais faire trop de l’affection à laquelle je le dois. Soyons amis cara Beatrice mia, » >